Romain Meder, le chef trois étoiles du Plaza Athénée, invente sans cesse une cuisine dans laquelle le végétal est roi.
Sa cuisine n’est pas une simple cuisine. On y trouve bien le feu, les casseroles et la brigade au grand complet, mais les fourneaux du chef Romain Meder ont aussi quelque chose du laboratoire du petit chimiste et du manuel de l’explorateur. Immergée dans un bocal, une forme visqueuse proche de l’éponge de mer attend son heure : aura-t-elle la chance de finir dans les assiettes du restaurant, trois étoiles Michelin depuis 2016? “C’est une liane de Madère, explique le chef. Elle est trop gluante, donc on en a fait un jus, puis on l’a mise à sécher, à frire, et au final elle a soufflé!”
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Romain Meder adore inviter des produits insolites sous ses couteaux. Le travail du végétal est devenu central dans la cuisine du palace parisien Plaza Athénée depuis qu’Alain Ducasse lui a demandé de développer son concept de “naturalité”, il y a cinq ans : des menus “trilogie” poisson-végétal-céréales où le produit est roi. “Quand la protéine est de qualité exceptionnelle, il ne faut rien faire de plus, explique le chef. Le plus intéressant en cuisine, c’est le végétal : il donne le caractère d’un plat, on peut en extraire des goûts qui sortent de l’ordinaire.”
Une feuille d’endive lui paraît d’un ennui foudroyant, mais montrez-lui la “carotte” d’endive (la racine très amère sur laquelle elle pousse) et son œil s’allume : “Personne ne s’est jamais penché sur son potentiel gastronomique. Nous avons extrait son jus pour faire une sauce béchamel au blé fermenté.”
À chaque nouvelle livraison du potager de Versailles, Romain Meder enclenche une “gymnastique du cerveau” systématique : il épluche, dissèque ou presse les produits, jusqu’au petit miracle de la naissance de recettes ou textures inattendues. Il a déjà décortiqué une moelle épinière de bonite séchée, de la lippia (une plante aztèque), cuisiné de la mousse (“pour son petit goût de sous-bois”), séché un pied-de-mouton et même réduit du chanvre en compote, après avoir fait torréfier sa graine…
Au départ, nous étions trop radicaux, il a fallu du temps pour affiner cette identité culinaire
Ces recherches détonnent dans l’univers gastronomique des palaces, où règnent les produits nobles et classiques. “Au départ, nous étions trop radicaux, il a fallu du temps pour affiner cette identité culinaire”, admet Meder tout en louant le Plaza, “ce nid douillet qui [lui] donne les moyens de travailler de façon aussi créative”.
Alain Ducasse ne pouvait pas trouver meilleur ambassadeur que ce chef surdoué, repéré en 2006 chez Hélène Darroze, qui a grandi à la ferme en Haute-Saône, se destinait à être éleveur de cailles et connaît les produits insolites depuis toujours : “Le cynorhodon commence à être à la mode. C’est le poil à gratter de mon enfance, on le mettait dans le tee-shirt des copains! On faisait aussi des batailles de nèfles, que je cuisine au Plaza.” Mais on n’affine pas sa créativité sans se frotter à l’inconnu.
Le Franc-Comtois a bousculé ses leçons de cuisine en travaillant pour les nouvelles tables de Ducasse à l’étranger : à l’île Maurice (Spoon des îles) et au Qatar (Idam, au musée des Arts islamiques de Doha). “Je me suis découvert et je me suis constitué une immense bibliothèque de goûts, confie-t-il. L’île Maurice est un livre ouvert sur les cuisines du monde et les épices. Au Qatar, j’ai dû contourner les barrières : ne pouvant utiliser du vinaigre, j’ai essayé d’autres techniques, d’où l’idée de la chambre de fermentations du Plaza.”
Prouver son originalité n’a jamais été l’objectif de ce chef modeste et discret de 40 ans. C’est l’écologie et la lutte contre le gaspillage alimentaire qui guident sa quête d’inventivité : “On peut inventer de bons plats avec des produits d’hiver et locaux, sans avoir à importer ou jeter”, assure-t-il. Son adjoint lui demande chaque matin ce qu’ils vont inventer le jour même. “C’est une obsession qui nous ronge”, concède-t-il.
Le jeu est communicatif : Jessica Préalpato, la pâtissière de l’hôtel, imagine des desserts sans sucre. Denis Courtiade, le chef de salle, explique leur démarche aux clients, curieux de goûter la dernière trouvaille du chef. Une aubaine pour Romain Meder, toujours motivé par la pression, son remède contre sa grande angoisse : la routine.
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