Un pêcheur seynois alerte: "Il y a de moins en moins de poissons en Méditerranée" – Var-matin

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Au port de Saint-Elme, le pêcheur Didier Ranc alerte sur « la baisse de la ressource » et la difficulté pour les petits métiers de survivre. Dans ses filets : quelques solutions
Il vient de signer une tribune pour la presse spécialisée qui explique «comment ils ont tué la poule aux œufs d’or en Méditerranée.» «Ils»? L’Europe et les industriels, accusés de vider la mer de ses poissons. Didier Ranc est prud’homme major de La Seyne, Saint-Elme, Saint-Mandrier.
Et à 66 ans, cet infatigable pêcheur, petit-fils et fils de pêcheur, tente encore et toujours de défendre les “petits métiers, dont les 25 professionnels de “sa” prud’homie font partie. Explications… sans filet.
La pêche a été bonne?
De la bonite, de la pélamide… Mais ça n’a plus rien à voir avec ce que c’était. Quand on remontait 100 kg de poissons il y a dix ans, là, on n’en a plus que 10, peut-être 20. Toutes les espèces sont concernées. Certaines ont carrément disparu.
Des espèces ont disparu?
En tout cas, on ne les pêche plus. On ne pêche plus de loup. On ne pêche plus de sardine, ou alors de toutes petites. Elle ne grossit plus.
C’est la faute à qui? À la surpêche?
Le problème est complexe. En aucun cas, les pêcheurs, quel que soit le type de pêche d’ailleurs, ne doivent supporter seuls la responsabilité de la disparition des ressources en Méditerranée. C’est la faute à 30 ans de politiques européennes qui n’ont fait que privilégier les gros, les industriels de la pêche, subventionner les uns pour investir et pêcher plus. Ils ont privatisé la mer. Avant, on se débrouillait très bien.
Comment faisiez-vous?
Ici – c’est une spécificité méditerranéenne – on est organisé en prud’homies. ça date du Roi René. C’est comme une confrérie de petits pêcheurs. Tout a toujours été fait pour que ce soient les pêcheurs eux-mêmes qui gèrent le libre accès à la ressource. Et ça marchait très bien avant que Bruxelles ne décide qu’on avait trop de pouvoir.
Vous n’avez plus de pouvoir?
Nettement moins. L’Europe a imposé des quotas, des réglementations, des autorisations… Il y a une volonté de faire disparaître la petite pêche pour ne garder qu’une élite.
Et c’est une volonté politique, donc?
Politique, économique… Derrière, il y a des lobbies et des multinationales. La conséquence, c’est qu’il y a de moins en moins de poissons en Méditerranée.
Et personne n’est au courant, à Bruxelles?
Tout le monde le sait, l’Europe en tête, mais ça ne les empêche pas, là-bas, de se féliciter du mode de gestion mis en place depuis 30 ans. C’est là-bas, par exemple, qu’on a permis aux chalutiers de 18 m et 430 chevaux de passer à 25 m et 2.000 chevaux. Bref, de faire apparaître des bateaux hors normes munis d’engins de destruction massive.
Pourtant, sur les côtes varoises par exemple, il n’y a pas de chalutiers…
Mais la Méditerranée est un bocal dans lequel les espèces tournent en rond. S’il y a de la surpêche en Tunisie, on en subit les conséquences ici.
Dans votre tribune, vous mettez aussi en cause les ONG…
Regardez, là – il nous montre un article où l’ONG WWF se félicite des mesures prises et du «stock de thon rouge reconstitué» – c’est une blague: du thon rouge, il n’y en a plus.
L’Europe n’a-t-elle pas tenté, au contraire, de régénérer les stocks?
Il suffit de voir la réglementation: elle vient de permettre de pêcher 12.800 tonnes de géniteurs pendant la période de fraie pour le marché asiatique…
Revenons aux ONG. En quoi seraient-elles responsables de la diminution des ressources? ça semble un peu paradoxal.
C’est pourtant la vérité. Greenpeace et compagnie, ils sont manipulés. Financés par les industriels. Par exemple, l’interdiction de la thonaire (filet qui sert à attraper les thons, ndlr) et de tous les filets maillants dérivants en 2007, demandée par les ONG, a eu pour effet de ramener sur la bande côtière 90 bateaux de plus de 12 m, qui se sont mis à surexploiter des ressources déjà en danger: merlu, sole, chapon… Il suffisait de laisser ces navires continuer de pêcher à la thonaire avec une longueur réglementaire pour soulager la pression sur les espèces côtières.
Comment faire entendre ce genre de message?
Il faudrait déjà qu’on puisse être reçu dans les ministères. Mais c’est compliqué. Aujourd’hui, on a le comité national des pêches qui est censé nous représenter, sauf qu’il représente toute la profession, et donc aussi les multinationales. Et ça les dérange qu’une autre structure puisse parler au ministre à leur place. Sinon on lui aurait déjà dit, à Ségolène.
Si on vous écoute, une partie de la solution se trouve dans le fait que les prud’homies puissent retrouver du pouvoir…
Ce n’est pas que mon souhait: ça va aussi devenir une nécessité pour les pêcheurs, pour la ressource et pour l’environnement en général. Avant, le règlement de prud’homie, c’était une Bible. Les saisons, la taille, les espèces, les mailles des filets…: tout était codifié. Un pêcheur qui arrivait ne faisait pas n’importe quoi. Tout se passait en bonne intelligence. Un gars qui défaillait, la communauté allait lui taper sur l’épaule et il rentrait dans le rang.
Par exemple?
Ici on a l’habitude de poser les filets le soir et de les relever le matin. Un jour, on s’est aperçu qu’un petit malin les relevait et les reposait dans la foulée. Pour gérer la ressource, justement, ce n’était pas possible. Il a vite compris. Pas besoin d’un règlement de Bruxelles pour ça. Il faut faire machine arrière.
Que signifierait revenir en arrière?
On a donné de l’argent aux chalutiers pour qu’ils passent de 430 à 2000 chevaux. Il suffit de les refaire passer de 2000 à 430. Et de les subventionner pour ça. Il ne faut pas oublier qu’eux aussi ils souffrent, qu’on les oblige à une fuite en avant permanente.
Et si on ne fait rien?
Si on ne fait rien? Dans dix ans, la moitié des petits pêcheurs aura disparu. Et il n’y aura plus de quoi vivre.
Vous, vous ne contribuez pas à diminuer la ressource?
Tout le monde prend du poisson et personne n’en met, vous savez. Mais nous, nous sommes des petits métiers. On prélève des produits de qualité, en quantité restreinte, et on ne gaspille rien. C’est de la nourriture. Rien n’est jeté, contrairement à ce que font les industriels. C’est de la pêche durable. Je pense qu’on fait un métier noble. Un des plus vieux du monde en tout cas.
Certains mettent tous les pêcheurs dans le même paquet…
Forcément, on voit nos bateaux au port, pas ceux, énormes, qui sont au milieu de la mer. On n’en parle pas. Comme on ne parle pas de la pêche minotière, qui représente 50 % de la pêche mondiale. Vous connaissez?
Heu, non…
C’est ce qui sert à produire de la farine qui permettra ensuite de nourrir les poissons d’élevage! Par exemple, il faut 7 kg de poissons sauvages pour faire 1 kg de poisson d’élevage. Et on nous dit que l’aquaculture serait l’avenir? On pourrait aussi parler de l’élevage intensif de saumon, comme au Chili, qui dévaste la ressource alentour à cause des médicaments utilisés. Ou de la quasi-disparition de l’esturgeon dans la Caspienne. Mais on s’éloigne de notre sujet.
Le sujet, ce sont aussi les difficultés économiques des petits métiers…
Ça va avec le reste. Moins de ressources, ce sont moins de recettes. Quand vous voyez qu’on est obligé de vendre moins cher nos dorades sauvages que les dorades d’élevage parce que le marché est saturé.
Et les dorades, il y en a toujours?
Moins cette année que l’an dernier, où il y en avait déjà moins que l’année précédente…
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