Parce qu’il constitue un bon apport en protéines sans être trop gras, parce qu’il est riche en Oméga 3 et en minéraux comme le phosphore de même qu’en oligoéléments et en vitamines, le poisson possède des qualités nutritionnelles précieuses qui font de lui un aliment particulièrement intéressant pour la santé. Cependant, la consommation de poisson ne serait pas totalement exempte de risques. La substance principalement en cause : le mercure absorbé par de nombreux poissons et donc se retrouvant dans notre assiette. En effet, la pollution a contaminé les mers, les océans, les lacs et les rivières. Alors, à quels risques s’expose-t-on ? Il convient de rappeler que le mercure peut s’accumuler dans les tissus musculaires du poisson suite à son absorption à partir des eaux environnantes, mais surtout, par son absorption, suite à la consommation de proies qui en contiennent. La concentration de mercure peut aussi augmenter en fonction du rang dans la chaîne alimentaire, elle aura donc tendance à être plus importance dans la chair d’un poisson ichtyophage (ou prédateur) qui consomme de grandes quantités d’autres poissons pour s’alimenter que dans celle d’un poisson qui en consomme peu.
Mais de quoi s’agit-il exactement ? Comme l’explique l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) à ce sujet, le mercure est un métal présent naturellement à l’état de traces dans l’environnement. Essentiellement rejeté par l’écorce terrestre dans l’air, il se disperse ensuite dans les sols, les eaux et les sédiments et se diffuse aussi dans la nature du fait des rejets engendrés par les activités humaines. C’est à la suite de transformations chimiques que le mercure devient toxique et facilement absorbable par l’organisme (bioaccumulable). Présent à de faibles concentrations dans l’eau ou les sédiments sous sa forme méthylée, appelée méthylmercure, il peut se concentrer très fortement dans les organismes aquatiques. Si l’agence travaille sur cette substance, c’est parce qu’à haute dose, le méthylmercure est toxique pour le système nerveux central de l’homme, en particulier durant son développement in utero et au cours de la petite enfance. Cette substance peut ainsi provoquer des troubles comportementaux légers ou des retards de développement chez les enfants exposés in utero ou après la naissance, même en l’absence de signes toxiques chez la mère.
Or, l’agence estime que la consommation de poissons constitue la principale source d’exposition alimentaire de l’homme au méthylmercure, sachant encore une fois que le niveau de contamination des poissons varie selon les espèces. L’ASEF* fait remarquer pour sa part qu’on en trouve également de fortes concentrations dans les crustacés, huîtres et moules et qu’il est considéré par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) comme l’un des dix groupes de produits chimiques extrêmement préoccupants pour la santé publique. Mais depuis 2002, l’Anses a rendu trois avis pour évaluer le risque sanitaire lié à la consommation de poissons contaminés par du méthylmercure. Au fil de ses rapports, elle en est venue à la conclusion que la consommation de poissons ne présente pas de risque pour la santé au regard du risque lié au méthylmercure, car l’apport de la population est inférieur à la dose journalière tolérable définie par l’OMS. Toujours est-il, selon elle, que le risque concerne aussi des contaminations par d’autres polluants présents dans l’environnement dont les dioxines et les PCB, qui peuvent aussi avoir des effets néfastes sur la santé en cas de surexposition.
Si les PCB et dioxines se retrouvent préférentiellement dans les poissons les plus gras comme les anguilles, ainsi que dans certains poissons bioaccumulateurs comme le barbeau, la brème, la carpe ou le silure, le méthylmercure se retrouve quant à lui dans les poissons prédateurs sauvages comme le thon, la lotte ou la dorade. En outre, l’ASEF précise pour sa part qu’en mer, les poissons piscivores et vivant longtemps sont les plus touchés (ce sont notamment les espadons ou les thons), et qu’en comparaison avec l’océan Pacifique, Antarctique et Atlantique Sud, c’est dans les eaux de l’Atlantique Nord que se retrouve le plus la pollution au mercure. « Les espèces les plus contaminées par le mercure sont le marlin, le requin, le thon rouge, le maquereau roi et l’espadon (…) D’autres espèces sont moins touchées mais sont à consommer prudemment : il s’agit du thon albacore, du mérou, du grenadier et du merlu. », indique l’association. Même constat de la part de l’association de patients France Assos Santé qui recommande quant à elle de privilégier les poissons les moins contaminés que sont le colin, le merlan, la sole, le cabillaud, le hareng, la truite, l’anchois, le maquereau et la sardine…
Mais attention : les poissons d’eau douce sont également touchés par la pollution car le phénomène de bioaccumulation s’impose également chez les espèces de poissons prédateurs dans les lacs et les rivières. En eau douce, les principaux polluants sont les PCB et les dioxines, et il convient alors selon France Assos Santé d’éviter de consommer trop d’anguille, de barbeau, de brème, de carpe et de silure. Reste que le poisson peut faire partie de saines habitudes alimentaires de par ses qualités nutritionnelles précieuses qui en font un invité de choix des menus de toute la famille. Il s’agit notamment d’une source privilégiée en acides gras oméga-3, une famille d’aliments indispensable au développement et fonctionnement de notre système nerveux et à la prévention des maladies cardio-vasculaires. C’est le cas en particulier des poissons gras dont certains contiennent davantage d’acides gras oméga-3 dits « à longue chaîne » (EPA, acide eicosapentaénoïque et DHA, acide docosahexaénoique). Le poisson est également source importante de protéines, de minéraux (phosphore, iode, zinc, cuivre, sélénium, fluor) mais aussi des vitamines (A, D, E) toutes indispensables à la santé.
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Tout l’enjeu est donc de savoir profiter des bienfaits de cet aliment, tout en limitant les risques. La première recommandation allant dans ce sens n’est autre que de consommer du poisson 2 fois par semaine en associant un poisson gras à forte teneur en acides gras oméga-3 (saumon, sardine, maquereau, hareng) et un autre poisson (colin, merlu, cabillaud, sole…). Mais il convient surtout de veiller à bien varier les espèces et les lieux d’approvisionnement, un point sur lequel insiste l’ASEF. Et pour cause, outre notre santé, cette habitude de consommation est également essentielle pour protéger la faune marine : l’adopter au quotidien permet d’éviter de consommer des espèces voie de disparition en raison de méthodes de pêche agressives et d’une surconsommation. Pour l’association France Assos Santé il est même urgent « d’éviter de consommer des poissons durant leur période de reproduction, d’interroger son poissonnier sur l’origine et le mode de pêche des poissons de son étal, de préférer la pêche locale, hors chalutage, qui décime les fonds marins et d’éviter absolument de consommer les espèces en voie de disparition, le temps d’assurer à nouveau leur survie. »
A noter que certaines populations dites « sensibles » à savoir les femmes enceintes ou allaitantes et les enfants de moins de 3 ans se doivent d’appliquer des recommandations supplémentaires, édictées par l’Anses. La raison selon elle ? « Au cours de la grossesse et jusqu’à 3 ans, le cerveau de l’enfant est particulièrement vulnérable à l’action toxique des contaminants chimiques et notamment du méthylmercure et des PCB. » Ces populations doivent donc veiller à limiter la consommation de poissons prédateurs sauvages (lotte-baudroie, loup-bar, bonite, empereur, grenadier, flétan, brochet, dorade, raie, sabre, thon…) de même que la consommation d’espadon, marlin, siki, requin et lamproie. L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) se veut cependant rassurante à ce sujet, et tient à préciser qu’il « est peu probable qu’une femme enceinte consommant jusqu’à deux portions de poisson par semaine dépasse la dose provisoire hebdomadaire tolérable de méthylmercure, pour autant que l’une de ces deux portions ne soit pas du thon rouge ou du thon albacore, des espèces qu’il est peu probable de trouver dans du thon en boîte sur le marché de l’UE. »
Quant à la volonté de savoir s’il est préférable de consommer du poisson d’élevage ou du poisson sauvage, l’autorité sanitaire estime qu’il n’y a pas de différence. Celle-ci juge en effet que « l’espèce, la saison, la localisation, l’alimentation, le stade de développement et l’âge ont un impact prépondérant sur les taux de nutriments du poisson, mais également sur les concentrations de contaminants, qui varient de façon importante au sein de l’espèce et entre espèces, tant pour le poisson sauvage que d’élevage. » Une chose est sûre en revanche : si le choix du poisson ne doit pas se faire à la légère, c’est le cas aussi de sa conservation et de sa préparation. A commencer par le fait d’utiliser un sac isotherme lors du transport jusqu’au domicile après l’avoir acheté en dernier sur la liste, et de le conserver dans la partie la plus froide du réfrigérateur à 4° maximum. Ce dernier doit d’ailleurs être consommé de préférence le jour même de l’achat ou dans les 48 heures et le jour de la préparation, il convient d’utiliser une planche à découper spécifique pour le poisson cru et une autre pour le poisson cuit. Surtout, il est important pour les femmes enceintes et jeunes enfants d’éviter de consommer des poissons crus, fumés ou pas assez cuits.
*ASEF : L’Association santé environnement France