A Paris, il montre sa bonne bouille. A New York, ses vertus affolent les foodistas. Le chef William Ledeuil lui consacre un livre… Le bouillon soigne son retour et c’est toute la cuisine qui bouillonne.
Poitrine de cochon laquée "mostarda", bouillon aux herbes du chef William Ledeuil. Une recette extraite de son livre "Bouillons", éditions La Martinière, 35 euros.
Louis-Laurent Grandadam/Le Martinière
Un beau brouet blond aux reflets vert anisé et un authentique pot-au-feu fumant, servi dans une casserole en cuivre… Cet épatant numéro de “French popote” ne se joue pas dans un bouillon traditionnel, mais à la Bourse et la vie, la dernière ode au bistrot signée Daniel Rose, le chef américain de Spring, à Paris (Ier). Le 8 septembre, le New York Times citait le pot-au-feu parmi les plats français les plus réconfortants. L’art du mijoté -une eau de cuisson transparente, enrichie des molécules aromatiques des carcasses de viandes, de poissons, de légumes et de crustacés- Alexandre Dumas l’a consacré dans son Grand Dictionnaire de la cuisine: “La cuisine française doit sa supériorité à l’excellence du bouillon français.”
Longtemps, il a coulé des jours heureux dans la capitale, associant son nom à Chartier (IXe) ou au Racine (VIe), où il était servi au boeuf, dans ces institutions nourricières et populaires du début du XXe siècle. Et puis il est doucement tombé en désuétude. Moins exubérant, moins démonstratif, plus vieillot que néobistrot, il est devenu ce remède de grand-mère qu’on avalait plus pour ses vertus que par plaisir. Mais il n’était pas question pour la cuisine de se passer la rate au court-bouillon. Parce qu’il est au croisement du bon et du bien-être, il s’est progressivement refait une beauté.
“En cuisine, il est essentiel, il est à la base des veloutés, des jus et des sauces.” William Ledeuil bouillonne. Dans sa Kitchen Galerie, il prépare 70 litres par jour, qu’il distille au fil de sa carte. Ce culte de la limpidité, il le doit à ses voyages en Asie, “où le bouillon est l’héritage d’une cuisine de marché, très simple et très parfumée”. De cette addiction, le chef étoilé tire 80 recettes, publiées dans son excellent ouvrage Bouillons (photographies de Louis-Laurent Grandadam, éditions de La Martinière, 224 p., 35 euros). Depuis, d’autres toques l’ont mis en culture. En Bretagne, à l’Auberge des Glazicks, Olivier Bellin vient déposer tourteau, saint-jacques et crevettes des Glénan dans un puissant bouillon marin au gingembre. Rue de Rochechouart, à Paris (IXe), Marc Favier lui voue un culte. Le rituel? Une théière vient remplir une assiette en porcelaine d’un profond consommé de champignons et le chef pousse le bouchon jusqu’à baptiser son restaurant Bouillon.
Marc Favier, chef de Bouillon, à Paris (9e).
© / Frédéric Stucin pour L'Express Styles
Au fil du temps, cette méthode douce de cuisson est devenue un support de goût, un sommet de transparence capable de concentrer toutes les influences en cuisine. Si, en Asie, on le consomme toute la journée, au Japon, il relève de l’art. On l’appelle “dashi”. Un bouillon d’algue kombu et de bonite séchée (katsuobushi) agrémenté de sucre, de sel, de mirin (un saké doux) ou de miso (une pâte de soja fermentée). On lui voue une vénération, car il est porteur de la cinquième saveur, l’umami. Une perception subtile, entre le salé et le basique, due à l’acide inosinique (de la bonite) et à l’acide glutamique (du kombu).
En plus d’être ce formidable exhausteur, le bouillon est sain. Il cumule calcium, minéraux, phosphore, silicium, potassium… Une vraie potion magique, qui a le vent en poupe. A New York, on patiente dans la file d’attente pour un gobelet. En quelques mois, une petite hystérie gagne la Première Avenue depuis l’ouverture de Brodo, premier “broth bar”. Un bar à bouillon qui vous sert pour 4 dollars un bouillon de poulet bio d’une ferme amish de Pennsylvanie, aux algues et shiitakés. Que ce soit en cuisine healthy, ménagère ou gastronomique, qu’on se le dise : le bouillon est à mettre dans toutes les louches.
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