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Femmes de bouche 3/5. Aux commandes du « Nahikari », la pêcheuse de merlus de Saint-Jean-de-Luz dénonce les méthodes industrielles.
Temps de Lecture 5 min.
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« Celui-ci est un fileyeur qui va poser ses filets au large et vient les relever le lendemain. Celui-là un bolincheur. Il pêche les petits poissons pour les appâts à la bolinche, un filet tournant. L'avantage c'est que si la prise n'est pas intéressante, on largue le cul du filet pour la rejeter vivante. Là ce sont des chalutiers classiques. Ils raclent le fond de la mer avec un gros sac qui emporte tout sur son passage. Avant il y avait les pélagiques, deux navires qui traînaient ensemble un gigantesque filet calé entre deux eaux. Dans les plus gros, on disait qu'il pouvait entrer plusieurs Boeing. » Anne-Marie Vergez me passe en revue les équipages du port de Saint-Jean-de-Luz, où elle est la seule femme patronne-pêcheuse.
Après une nuit en mer, elle vient de rentrer sur le coup de midi. Le Nahikari – « désir et plaisir », en basque – est à quai pour décharger la marée du jour à la criée. Anne-Marie est une ligneuse. A bord de son petit bateau de moins de 12 mètres, elle pêche le merlu à la palangre, cette longue ligne garnie de centaines d'hameçons traînée par le palangrier.
« C'EST SUR LE PONT QU'ON APPREND »
Voilà plus de vingt ans qu'elle navigue, d'abord comme matelot, avant d'acheter son bateau d'occasion. « J'ai eu la chance de pouvoir embarquer directement ; aujourd'hui, il faut d'abord passer trois mois à l'école qui ne servent à rien. C'est sur le pont qu'on apprend à travailler. » Elle a commencé sur un fileyeur qui partait pour plusieurs jours. « Parfois, les corvées étaient énormes, il fallait trier beaucoup de poissons et on en rejetait plein. C'était l'usine. Je n'ai pas aimé du tout. » La pêche oui, mais pas au filet ni au chalut. Anne-Marie choisit la palangre, qui respecte plus le poisson et permet de mieux contrôler la biodiversité. Le merlu (colin) pris à l'hameçon présente mieux et se vend plus cher.
Lorsqu'elle a commencé en 1992 avec son brevet de commandant en poche, accompagnée de deux matelots à bord du Nahikari, « [ils] pêchai[ent] ce qu'[ils] voulai[ent] ». « Il n'y avait pas de quota. D'ailleurs, c'était trop laxiste. Mais qui est responsable de la surpêche ? Sûrement pas nos petits bateaux ! » Ils étaient une trentaine à l'époque traquant le thon, la bonite, le congre, le merlu, le bar, la dorade royale et tout le monde gagnait sa vie. A une dizaine de milles marins des côtes, le gouf de Capbreton, une fosse marine profonde de plus de 2 000 mètres, était un périmètre théoriquement réservé aux petits bateaux. « Mais pendant des années, les chaluts pélagiques sont venus piller la zone en toute impunité. Nous avions beau le signaler aux affaires maritimes, elles n'avaient ni le temps ni les moyens de venir contrôler. Ils ont vidé la fosse et, sur la trentaine de petits bateaux, seule une dizaine a survécu, face à la diminution de la ressource. »
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