C’est la nouvelle protégée d’Alain Ducasse. La créatrice culinaire Fumiko Kono prend ses quartiers d’été à la Cour Jardin, la brasserie de l’hôtel Plaza Athénée, à Paris. Portrait d’une Japonaise amoureuse de la France, au talent solaire.
Fumiko Kono, chef de la Cour Jardin du Plaza Athénée, à Paris.
Rudy Waks pour L'Express Styles
Sa mayonnaise est parfumée aux épices japonaises, sa salade niçoise troque ses filets de thon à l’huile contre une bonite juste snackée façon tataki, son velouté de champignons de Paris escorte une royale d’oeufs aux shitakés… Vu les intitulés de ses plats, pas de doute, Fumiko Kono a deux amours: son pays et Paris. Et si elle a choisi le métier de cuisinière, c’est pour les marier ensemble au coeur de ses assiettes. Dans la nippophilie ambiante qui pousse par vagues entières les talents de l’archipel aux fourneaux de nos restaurants, la fine lame de Tokyo prouve une fois de plus qu’un passeport japonais est souvent à son aise derrière un passe-plat français. Même au sein du très étoilé Plaza Athénée, avenue Montaigne, à Paris.
>> RECETTE: les falafels de Fumiko Kono
Jusqu’à mi-septembre, dans le patio croulant sous la vigne vierge ou dans les salons revisités par le décorateur Bruno Moinard, Fumiko Kono joue, dans sa “Bento Box”, sa petite musique fraîche, fusion et vitaminée à côté de la mélodie symphonique des homards bleus et de la bouillabaisse orchestrée par le chef Mathieu Emeraud. “C’est une résurrection pour moi de me frotter à un mythe gastronomique comme le Plaza!” confie celle qu’on surnomme déjà, dans les couloirs du palace, la “protégée d’Alain Ducasse“.
Entre la brune au sourire de porcelaine et la toque aux 24 restaurants et 19 étoiles dans le monde, le courant est passé dès leur première rencontre il y a une dizaine d’années. En 2009, elle est recrutée pour donner des cours réguliers dans l’école de cuisine du grand chef, rue de Longchamp, à Paris. En 2010, elle participe à l’opération Food France qu’il organise dans son bistrot Benoit à Tokyo. Et quand, à l’automne dernier, Fumiko lui envoie par colis son nouveau livre de recettes de salades, Alain Ducasse la convoque aussitôt dans son bureau au Plaza. Elle se voit proposer non seulement une saison au sein de l’hôtel mais également une contribution au prestigieux dîner Goût de France/Good France qu’il s’apprête à donner au château de Versailles pour promouvoir la gastronomie française.
Le 19 mars dernier, sous les ors du monument, elle se fend de sublimes gougères au foie gras, marron glacé et chocolat noir et se retrouve sur la photo officielle, entre le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, la directrice du château, Catherine Pégard, Alain Ducasse et une brochette de chefs trois étoiles. “Cela restera comme mon plus beau souvenir professionnel!” Pourquoi Alain Ducasse l’a-t-il choisie? “Elle a le palais absolu comme d’autres ont l’oreille absolue, explique le chef. Elle crée des recettes qui sont autant d’exercices d’équilibre miraculeux entre les cultures culinaires japonaise et française. Elle est la preuve vivante que notre gastronomie continue à nourrir bien des talents dans le monde!”
La chef Fumiko Kono poste sur Instagram toutes ses créations.
© / Fumiko Kono/Instagram
La France s’est imposée à cette jeune Tokyoïte comme une évidence. Tel un battement d’ailes de papillon, ce sont quelques frottements d’archet qui ont lancé sa carrière. Au début des années 1990, à Tokyo, elle fantasme devant la scène de Delicatessen, le film de Jean-Pierre Jeunet et Marc Caro, où une fillette joue du violoncelle sur les toits de Paris. Musicienne depuis l’âge de 6 ans, Fumiko se promet de rejouer un jour la scène. Son rêve se réalise quelques années plus tard, mais avec un autre instrument: le piano de cuisine. Et dans le restaurant d’un chef trois étoiles assez mélomane pour avoir baptisé son restaurant L’Arpège: Alain Passard. Arrivée pour un stage non rémunéré de… nettoyage, celle qui est sortie major de l’école du Cordon bleu quelques mois plus tôt gravit tous les postes, et peaufine son français. “Un jour, j’ai commandé deux kilos de poireaux jeunes. Ce sont des poivrons jaunes qui ont été livrés. Ça m’a servi de leçon.”
Pendant trois ans, elle apprend le rôtissage des volailles, la cuisson des légumes en croûte de sel et finit au poste envié de seconde de cuisine. Forte de cette immersion en milieu étoilé, la jeune Japonaise se lance ensuite dans l’organisation de dîners à domicile: anniversaire de Judith Godrèche organisé par Dany Boon, réception dans un château d’Ile-de-France présidée par Bernadette Chirac, mariage huppé aux Invalides, puis du catering à l’étranger qui l’entraîne de Genève à New York et de Milan à Osaka… En 2005, la maison Fauchon lui propose le poste de chef du salé, où elle dépoussière les vieux standards du célèbre traiteur de la Madeleine.
Il y a quelques années, après douze ans de “oui, chef!”, de coups de feu et de journées à rallonges, Fumiko Kono déserte les grandes brigades et retourne vivre dans sa ville natale. Des reportages à la pelle pour la presse féminine, des livres de recettes, un guide des restaurants parisiens, de nombreuses participations à des émissions de cuisine, la création d’un plateaurepas pour la Japan Airlines, une mission de consulting pour les Galeries Lafayette à Paris, un dîner pour la maison Hermès à Tokyo… Et le secret espoir de remettre un pied dans les cuisines parisiennes pour un peu plus longtemps qu’un été. “Je pense toujours à la cuisine en français, confie-t-elle. J’espère avoir d’autres projets ici.” Et d’ajouter, dans la langue de Voltaire, qu’elle manie avec subtilité : “Ce beau pays n’a jamais été une destination. C’est une destinée.”
Tartare de saumon, radis daikon et yuzu, par Fumiko Kono.
© / Fumiko Kono/Instagram
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