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par Allison Van Rassel
de Épicurieuse
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Le constat est clair aux yeux du propriétaire de la Boucherie le croc mignon, sur la 3e Avenue : les gens mangent moins de viande, mais exigent une meilleure qualité. Cette demande encourage l'entrepreneur de Limoilou à offrir des produits de niche, dont le bœuf wagyu, une race de bétail japonais dont la viande distinctive au goût riche n'est toutefois pas à la portée de tous les portefeuilles.
Cette petite boucherie de Limoilou attire une clientèle qui semble avoir un intérêt marqué pour des produits d'exception.
Depuis un an, le propriétaire et boucher de l'entreprise, Sothea Deng, reçoit chaque mois une pièce de viande fraîche venue du Japon et dont toutes les découpes trouvent preneurs en moins d'une semaine.
Il est fier de dire qu'il est le seul commerçant de la région de Québec à offrir du bœuf wagyu importé directement du Japon, une des viandes les plus convoitées au monde en raison de son niveau de gras persillé obtenu par un élevage méticuleux.
« Je veux des produits de niche que personne n’a, qu’on va contrôler et donner les bons conseils de cuisson qui viennent avec. »
Sothea Deng fait appel à Two World Foods pour importer un contre-filet de 2,7 kilos qu’il paie environ 800 $, le milieu de gamme de cette race japonaise.
Car l'appellation de Kobe, la plus prestigieuse de toutes les viandes japonaises dont l'origine est contrôlée et la production limitée, vaut pour sa part au-delà de 1000 $ le kilo.
N'ayant pas les moyens de se procurer du wagyu de Kobe, M. Deng se tourne vers un grade inférieur, le yonezawa AAA, au-delà néanmoins de toutes les viandes qu'il a testées au Canada, selon lui.
La marbrure abondante de gras est le champagne de cette viande, le résultat direct des efforts obsessionnels des éleveurs de bœuf wagyu au Japon.
La tradition veut que l’on donne de la bière à boire aux bœufs pendant les mois les plus chauds de l’été.
Un massage est aussi régulièrement effectué afin de détendre au maximum les muscles de l’animal. Certains éleveurs vont même jusqu’à laver leurs animaux avec du saké.
Tous ces gestes visent à attendrir la viande et à améliorer la saveur du gras, car c’est dans celui-ci que se développe le goût tant prisé des gastronomes : un sucre naturel aux arômes de noisettes.
Afin de tirer le maximum de l'expérience quand vient le temps d'apprêter la denrée rare, M. Deng privilégie une méthode traditionnelle de cuisson japonaise, la méthode shabu-shabu, qui ressemble étrangement à celle de la fondue chinoise québécoise.
La viande est tranchée finement puis plongée quelques secondes dans un dashi, un bouillon fait à partir de kombu (algue) et bonite (poisson) séchée.
Il apprécie aussi grandement le produit en nigiri, un morceau de viande crue sur riz, légèrement torché afin de faire fondre le gras directement sur le riz. Le gras aux parfums de noisette s'accorde avec l’acidité du riz et crée, selon Sothea, un accord parfait en bouche.
Toutefois, la majeure partie de sa clientèle préfère consommer le wagyu en steak.
Pour ce faire, il recommande la technique reverse sear, où la pièce de viande passe d’abord au four pour ensuite être saisie à haute température dans un poêlon.
Cette technique de cuisson caramélise les sucs de la viande et ajoute une texture croustillante sous la dent. C’est de cette façon qu’il me fait goûter à son produit.
« Les Japonais sont friands de texture dans leur bouffe, explique-t-il. Ici, il y a le petit croustillant, puis le gras vient après emballer tout le palais jusqu’au fond. »
Se décrivant comme obsédé par la qualité, M. Deng a tout étudié du goût et de la texture de cette viande, incluant celle provenant de bétails élevés au Québec.
Depuis quelques années maintenant, trois éleveurs font la production de bœuf wagyu au Québec. Au premier coup d'œil, elle ressemble étrangement à celle qui vient de l'Asie.
« La génétique de la viande québécoise n'est pas pure, précise toutefois le boucher, car la race est croisée avec le black Angus, une race prédominante en Amérique du Nord qui supporte mieux le froid. »
Le cuisinier autodidacte préfère de loin le goût de la race élevée au Japon, car, selon lui, un animal de race pure offre la meilleure qualité.
« C’est comme si je disais que je préfère le sirop d’érable de l’Europe ou des États-Unis, ça ne marche pas! Je choisis le produit pour sa qualité, point. Au Québec, la constance n’est pas encore là, et en tant qu’homme d’affaires, je veux que ma clientèle soit satisfaite. »
Il a confiance en l'avenir du bétail wagyu québécois. « Je suis certain qu’on va y arriver un jour, mais pour l’instant, importer le wagyu du Japon est beaucoup plus simple pour moi. »
par Geneviève O'Gleman
par Geneviève O'Gleman
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