Chasse aux œufs de poisson du Québec – Radio-Canada.ca

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par Allison Van Rassel
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Le printemps est synonyme de renaissance et de renouveau pour notre garde-manger naturel. C’est la saison qui annonce l’arrivée de beaucoup de plats délicieux. L’œuf de poisson symbolise cette renaissance. Considérées comme un déchet, ces minuscules billes rondes au goût salin et iodé, sans coquille et souvent très colorées, sont pourtant parmi les aliments les plus recherchés sur la planète.
L’estuaire et le golfe du Saint-Laurent, ainsi que nos lacs et nos rivières, sont des terrains de jeu immenses pour les poissons. Puisque tous leurs œufs sont comestibles, le monde entier est à l’affût de la qualité des produits qui y sont pêchés.
 Malheureusement, les œufs de poisson sont encore vus par plusieurs comme un déchet, souligne Dominique Robert, professeur et chercheur à l’Institut des sciences de la mer de Rimouski. Il est à la tête de la Chaire de recherche du Canada en écologie halieutique visant à valoriser les pêcheries maritimes par l’étude de l’écologie des espèces à l’aide de technologies de pointe.
 Les poissons sont vidés de leur intérieur à bord des bateaux ou à l’usine. Ça inclut les gonades et les œufs. Dans plusieurs parties du monde, c’est incroyablement précieux les œufs et ils sont gardés. Généralement mis en valeur dans les sushis, les œufs de poisson sont très prisés par les Japonais.
« Manger des œufs de poisson, c’est valoriser un déchet qui autrement se retrouverait à la poubelle. »
Plusieurs espèces — et autres créatures marines — pourtant bien présentes dans l’estuaire et le golfe du Saint-Laurent sont difficiles à dénicher sur le marché local. Le poisson et les produits de la mer sont les produits alimentaires les plus exportés du Canada. C’est le cas du hareng, dont les œufs sont une nourriture traditionnelle dans la cuisine japonaise.
 La plupart des poissons que l’on consomme dans le monde sont souvent pêchés près de la période de reproduction, souligne le chercheur. Leur condition est bonne à cette période, car il [le hareng] est plein d’énergie juste avant de se reproduire. Ces périodes sont le printemps et l’automne, selon où on se trouve au Canada.
Au Québec, ça se passe maintenant. Selon Pêches et Océans Canada, le hareng canadien est destiné au Japon, les États-Unis et la République dominicaine. Sur ce site d’information du Gouvernement du Canada, la fiche d’information dédiée au hareng de l’Atlantique mentionne que  les œufs du hareng, sa partie le plus précieuse, sont réservés au marché japonais.
La grosse poule de mer ou la lompe — une race au dos arrondi pourvue d’une crête sur la tête — est quant à elle pêchée uniquement pour ses œufs, car sa chair flasque et gélatineuse n’intéresse personne. Ses œufs sont toutefois presque aussi recherchés que du caviar! De la taille d’une tête d’épingle, parfaitement ronds et fermes, ceux-ci ressemblent énormément au caviar, une appellation d’origine contrôlée réservée exclusivement aux œufs d’esturgeons.
Selon le chercheur Dominique Robert, le Québec n’y goûte aucunement, car 100% sont exportés. Qualifiée de menacée  par le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) en novembre 2017, la lompe n’est toutefois pas une  espèce menacée  par la Loi canadienne sur les espèces menacées ou vulnérables.
Plus on consomme des œufs de poisson, plus on affecte les stocks ? Selon M. Robert, ça peut s’avérer vrai si les populations sont à bas niveau, effondré ou encore dans une zone critique.  À ce moment-là, pêcher les femelles avant qu’elles aient relâché leurs œufs n’est pas une bonne pratique. Par contre, lorsqu’il y a une population en pleine santé dont l’abondance est forte, l’impact ne sera pas très grand, voire minime. Pour la grande majorité des espèces, en particulier celle qu’on exploite, elles pondent des centaines de milliers d’œufs par année par individu. L’idée est de s’approvisionner le plus souvent possible d’espèces issues d’une pêche durable comme celle accréditée par le Marine Stewardship Council (MSC) Ocean Wise et Fourchette bleue. 
L’œuf de poisson le plus recherché au monde est celui de l’esturgeon. Plus de 90 % de la production mondiale est issue des cinq grands pays qui se trouvent autour de la mer Caspienne. Toutefois, il existe aussi un caviar québécois.
L’entreprise Quintessence est le seul producteur de caviar au Québec et l’une des rares issues d’une pêche sauvage. Sa couleur verte qui tire vers le noir et sa taille oscillant entre 2,4 et 2,8 millimètres font de lui un des caviars les plus prisés des grandes tables du Québec. Il se détaille à 129 $ pour 114 g, un des moins dispendieux sur le marché mondial du caviar. Pour 150 g de la gamme Kristal de la maison Kaviari à Paris, soit un des plus prisés au monde, il faut débourser plus de 550 $.
Quiconque a déjà pris place dans la salle à manger du restaurant Faux Bergers à Baie-Saint-Paul sait qu’ils ne se contentent pas d’émerveiller le palais de leur clientèle, ils font le choix de l’éduquer aussi. Sylvain Dervieux et Émile Tremblay font de l’œuf de poisson un aliment phare de leur menu.
Le plat signature ces jours-ci : chou vert, kimchi, des échalotes marinées, du riz frit et de la rose sauvage déposée sur un tarama, une émulsion d’origine grecque qui ressemble étrangement à une mayonnaise, élaborée à partir d’œufs de la carpe commune.
Ces œufs, Émile Tremblay se les procure directement du pêcheur Jamie Duquette qui peine à trouver des assiettes pour son poisson.  La carpe est très difficile à vendre sur le marché québécois, souligne Émile qui travaille avec Jamie depuis 2016.  Au final, on ne connaît pas la carpe, on ne connaît pas les espèces, donc il n’y a pas de demande auprès des pêcheurs. 
« En discutant avec le pêcheur, j’ai compris que les œufs n’étaient pas du tout valorisés. Nous on veut valoriser des ingrédients méconnus et on veut sauver des aliments de la poubelle. Oui ça nécessite plus de travail, mais ils nous permettent aussi de vendre notre génie. »
Lorsque l’œuf de carpe arrive en cuisine, ça prend de l’imagination et de la créativité afin de visualiser le potentiel gastronomique de l’aliment. C’est vert comme de la vase, ça sent la vase et c’est plein de tissus conjonctifs, décrit Émile en riant. On se met des gants, on nettoie les œufs et on le passe dans le batteur mélangeur pour fouetter doucement afin que les membranes s’accrochent aux fouets. Ensuite on dose au sel et on congèle un minimum de trois mois pour qu’ils deviennent le fun. 
Lors de la décongélation, un jus de couleur et de texture caramel s’accumule dans le fond du récipient, une autre opportunité de valorisation aux yeux de l’artiste.
Émile travaille aussi au développement d’un suvalik à partir d’œufs d’omble chevalier de la Pisciculture Charlevoix. Le suvalik ressemble au tarama, mais qui est propre à la cuisine des peuples autochtones du Canada, particulièrement de ceux vivant près des lacs et des rivières. Cette émulsion est traditionnellement élaborée avec des œufs de saumon ou d’omble chevalier, de l’huile et des baies fraîches. C’est à la fois sucré, salé, iodé et délicieusement onctueux.
« Le caviar c’est comme le filet mignon et le champagne. Ces ingrédients-là ont été valorisés par la haute société, mais aujourd’hui, n’importe quel produit travaillé de façon intelligente et avec respect pour notre environnement a autant de valeur. »
Elliot Beaudoin à Légende par la Tanière bosse dans le même sens qu’Émile Tremblay. Dans sa cuisine, il n’y a que des aliments québécois, sauf le vin et le café. Cette philosophie locavore demande beaucoup d’efforts au chef et sa brigade, mais positionne ce restaurant de Québec parmi les meilleurs au Canada.
Elliot s’inspire de la cuisine japonaise afin de valoriser les aliments du Québec. Il parvient à mettre la main sur des œufs de hareng de l’Atlantique qui évoquent chez lui le katsuobushi, des copeaux de bonite séchée. Ils les déposent sur des ebiyakis, des petites boules de pâte aux crevettes nordiques.
Malgré son enthousiasme pour le local, le chef constate que les œufs de poissons sauvages pêchés dans les eaux québécoises sont au sommet de la liste des aliments les plus difficilement accessibles.
Heureusement, des initiatives comme celles de Mangez notre Saint-Laurent et Fourchette bleue, un programme d’Exploramer qui vise la saine gestion des ressources marines du Saint-Laurent, sensibilisent la population aux espèces moins connues de nos eaux froides. Ces sites regorgent d’information afin de nous permettre de faire des choix locaux et responsables. Vous trouverez même une liste des poissonneries qui proposent des produits du Saint-Laurent!
Chers mangeurs, le pouvoir est — surtout ! — entre vos mains.
À LIRE : À la découverte des espèces méconnues du Saint-Laurent(Nouvelle fenêtre)
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