Les brasseries parisiennes massacrent le tartare de boeuf, faites-le vous-même | Slate.fr – Slate.fr

Tommaso Melilli
Temps de lecture: 5 min
On sait très bien que le touriste venant de l’étranger est en général très peu doué dans ses choix. Quand il arrive en France pour la première fois, et surtout à Paris, il débarque avec des fantasmes gastronomiques aussi flous que –le plus souvent– anachroniques. Il arrive, trépidant d’attentes et de curiosité. Il s’attable, et il commence, lentement, à s’initier à la psychopathologie de la brasserie parisienne. Entre un hareng servi à même le seau et des charcuteries caoutchouteuses, il y a: le steak-tartare.
La moitié des italiens que je connais ne mangent plus de tartare depuis qu’ils en ont mangé une fois, en France, la première fois qu’ils sont venus, et soit ils ont failli mourir d’indigestion, soit, durant le repas, ils ont eu l’impression de manger crue la farce des boulettes de leur grand mère, sans la sauce tomate, mais inondée de mayonnaise et de cornichons.
Quelques brasseries, timides, essaient depuis quelques années de s’écarter de la norme en proposant le tartare «non préparé», et on ne comprend jamais trop bien ce que ça veut dire. D’autres, malheureusement moins timides, s’aventurent sur des tartares «à la thaïlandaise» et –bien entendu– «à l’italienne», avec d’incontournables tomates séchées.
Hélas, le plus souvent, la mention «tartare au couteau» indique des sachets mono-portion sous-vide, qu’on achète à Metro: la viande qu’ils contiennent est découpée de façon à ressembler à celle coupée au couteau, par une machine qui a sans doute rendu très riche le monsieur qui l’a inventée. Personne ne fait plus vraiment le tartare au couteau et c’est bien dommage, parce que en plus d’avoir une texture bien plus agréable, la viande coupée à la main nécessite beaucoup moins d’assaisonnement pour être relevée (car les morceaux seront plus grands que si elle était hachée et plus le morceau est grand, moins il faudra d’huile et de sel pour le recouvrir). Et moins d’assaisonnement ça veut dire moins d’huile et moins de sel, donc plus de santé et de bonnes choses pour toute la famille. Ce qui me paraît déjà une bonne raison pour se mettre à le faire nous-mêmes le tartare, à la maison.
Tout d’abord, préparez vous à vous battre avec votre boucher: le tartare est possible avec à peu près tous les morceaux, et une fois hachés tous les morceaux deviennent à peu près équivalents en texture. Les puristes vous diront que le vrai tartare, c’est avec du filet de bœuf. Or, le filet est, comme tout le monde le sait, abominablement cher. D’ailleurs, je me permets d’attirer l’attention desdits puristes sur les origines révolues et quasi légendaires du steak-tartare. Le nom et le concept feraient référence –tiens– aux Tatares, ancienne tribu nomade et virulente d’Asie centrale: grands voyageurs et tout le temps pressés, les Tatares avaient l’habitude de manger leur viande crue, car ils estimaient que la cuisson était un privilège frivole de peuples fainéants (entre un trajet et l’autre, ils gardaient leur steak sous la selle de leur destrier, pour l’attendrir).
Mais les bovins, eux, sont assez sédentaires, donc il y a peu de chance que les Tartares en aient jamais eu sous la mains.
Comme quoi, le vrai tartare, ce n’est pas avec du filet de bœuf, mais avec du CHEVAL. (Pour les curieux, les gourmands et les philologues, sachez qu’on peut en manger Aux Deux Amis, mais seulement le vendredi à midi).
Donc, pour faire court (et pour revenir aux bovins): tout morceau qui convient pour un steak convient généralement pour un tartare: macreuse à bifteck, rumsteck, faux-filet, et, si vous êtes aventureux, paleron (mais on parlera des vertus secrètes du paleron une autre fois). Il vaudrait mieux éviter par contre les morceaux à la fibre épaisse, comme bavette, hampe et onglet. Pour des raisons d’hygiène, il vaut mieux que ça soit un morceau entier plutôt que plusieurs petites pièces.
Une fois le morceau acheté, armez-vous d’un bon couteau de cuisine bien aiguisé, d’une grande planche à découper et de vinaigre d’alcool: mouillez un morceau de papier absorbant avec quelques gouttes de vinaigre et désinfectez autant le couteau que la planche. Ensuite, commencez à tailler des lamelles dans le sens perpendiculaire à la fibre; ensuite, détaillez dans l’autre sens, afin d’obtenir des cubes plus ou moins réguliers: la dimension conseillée pour les cubes dépend de la tendreté du morceaux que vous avez choisi et de combien vous êtes viandards: si c’est du faut-filet ou du rumsteck, vous pouvez même vous rapprocher d’un centimètre. Si vous avez un morceau moins tendre, ou en tout cas si vous ne voulez pas avoir trop de mâche, faites un dernier passage en utilisant le couteau comme un hachoir, exactement comme vous le feriez pour ciseler du persil. Mettez tout dans un bol (idéalement non métallique) et assaisonnez tout d’abord avec une bonne pincée de fleur de sel et poivre du moulin. Mélangez, attendez deux minutes et rajoutez deux cuillères d’une huile d’olive pas trop puissante.
Evidemment, la viande doit être achetée, coupée et consommée dans l’espace de la même journée.
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Maintenant, vous avez la base, et vous pouvez commencer à vous amuser avec quelques condiments un peu inusuels.
Exit sauce tartare, mayonnaise et cornichons, et welcome back à la vraie viande crue, délicate, fraiche, légère.
Longtemps esquivée par les grands chefs, sans doute à cause de sa réputation de lourdeur et de manque de finesse, on s’approche d’un nouvel âge de cette géniale salade de viande.
Giovanni Passerini fait le tartare avec une mayonnaise à la boutargue et plein de parmesan. Pierre Touitou, à Vivant, mélange le bœuf maturé cru avec de la moelle pochée. Voyons un peu ce qu’on peut faire nous.
Grand classique confidentiel piémontais, le tartare au couteau («carne cruda») se sert avec des noisettes torréfiées: les piémontais estiment que la viande de bœuf, quand elle est très bonne, a, justement, un goût de noisette. Cassez grossièrement des noisettes légèrement torréfiées et mélangez les avec la viande. Goûtez pour voir s’il faut rajouter du sel et servez avec du radicchio, des endives ou une autre salade amère.
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Les câpres (et éventuellement les cornichons) jouent un rôle essentiel dans la sauce tartare: la viande crue demande deux choses: de l’acidité et de la sapidité, si à tout ça on peut rajouter un tout petit peu d’amertume, on est au top. Par contre, jamais du jus de citron ou de vinaigre: ça cuit la viande, et un tartare n’est pas un carpaccio.
C’est pour ça que, dans les tartares revisités, on met des anchois ou des tomates séchées. Mais les anchois ne sont pas très consensuels, et les tomates séchées sont un peu démodées: donc prenez un demi citron confit, enlevez les pépins et découpez chair et écorce en petits morceaux. Mélangez à la viande et mangez aussitôt, avec une petite salade de fenouil croquant.
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La boutargue, c’est la poche des œufs de certains poissons (mulet, thon, bonite ou espadon) qui est salée et séchée. C’est une pratique qui existe à peu près dans tous les pays du bassin de la Méditerranée et au Portugal. La boutargue de thon, moins sèche et beaucoup plus salée, est plus rare et plus difficile à manier. Choisissez plutôt une bonne boutargue de mulet, au goût moins puissant et presque sucré qui rappelle vaguement les oursins (les meilleures viennent de Sardaigne, de Grèce et du Portugal). Dressez votre viande dans une assiette et rapez très finement la boutargue de mulet juste avant de servir.
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