Lola et Enzo, critiques d'un jour: "Flaveur, on adore!" – Nice matin

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Gaël et Mickaël Tourteaux comptent parmi les plus sûrs talents d’aujourd’hui. Leur gastronomie, créative, toujours en éveil, est reconnue, notamment, par Le Guide Michelin (deux étoiles) et le Gault & Millau (17/20, quatre toques) et depuis l’ouverture de Flaveur en 2010 j’ai pu mesurer l’évolution de ces « fous de cuisine » qui font honneur à Nice.
Ils sont aussi des hommes de cœur. Le temps d’un déjeuner, ils ont privatisé leur restaurant pour #NOUS et pour Lola Guenoun et Enzo Bertschy, deux jeunes passionnés de cuisine que nous avions choisis pour découvrir cette table unique, savourer, donner leurs impressions et “être critiques à la place du critique”.
Lola Guenoun, élève de CM2 à l’école de Crémat (Nice), cuisine depuis l’âge de 5 ans. Conseillée par sa grand-mère, elle est experte en recettes sucrées.
Parmi les spécialités de cette petite niçoise aux doigts de fée, le moelleux au chocolat et le clafoutis aux poires. Les fondamentaux! Enzo Bertschy, 15 ans, est en seconde B section européenne au lycée Stanislas de Nice.
Sa passion de la cuisine se nourrit de ses origines italiennes (Pedemonte, en Vénétie) autant que de sa découverte de l’Asie. Il a suivi ses parents dans leurs séjours professionnels à Shanghai et au Japon et revient chaque année à Pedemonte goûter le risotto de l’Antica Trattoria Valdastico.
Créatif comme son père, il est, chez lui, “le” spécialiste des pâtes dont il maîtrise plusieurs recettes. Lola et Enzo chez Gaël et Mickaël, leurs “chefs Noël”? Un grand moment de découverte gastronomique.
Flaveur, à l’heure du déjeuner, square Durandy. Ce jour-là, un petit événement se prépare dans le restaurant étoilé des frères Tourteaux. La porte est ouverte et les menus sont affichés mais toutes les réservations ont été reportées par Gaël et Mickaël Tourteaux, qui cuisinent pour deux jeunes clients et pour eux seuls. Lola arrive la première, accompagnée par son parrain, intimidée mais vite rassurée par la gentillesse de l’accueil, le sapin de Noël, la grande baie vitrée et les silhouettes de bois évoquant poissons et océans.
Enzo entre à son tour et s’excuse pour son retard: “L’épreuve de français a duré plus longtemps que prévu!” Il est à son aise, impatient de commencer et avec Lola, ils sont déjà complices.
Grégory Vergnes et Mikhaël Lyoubi, responsables de la salle, les reçoivent simplement, pas sur un ton “étoilé”, ce n’est pas le genre de la maison.
Avant de s’attabler, les critiques demandent à inspecter les cuisines, enfin “la” cuisine, en retrait derrière le bar. “Elle est petite!”, fait remarquer Lola aux chefs, qui acceptent en souriant. L’aventure commence dans une cuisine de chercheurs…
Pour Enzo, le menu Exploration “est déjà un voyage”. Il ne croit pas si bien dire. Les mises en bouche se succèdent comme autant de miniatures délicates, croustillant de riz vinaigré, lisette à la chair fine marinée à la sauce soja (le shoyu japonais), haddock, crème et citron caviar, poudre de secca d’Entrevaux avec ail noir et un sablé coriandre…
“C’est quoi le gomasio?”, demande Lola, qui découvre ce mélange de sésame grillé et de sel marin, condiment traditionnel du Japon accompagnant la bonite (goma signifie sésame et shio, le sel).
“Je ne retiens pas tout mais c’est délicieux”, ajoute-t-elle sans se séparer du cocktail litchi-mangue spécialement préparé pour eux.
“J’adore! La paille a un goût de pomme verte, on peut même la croquer!”
Ils sont gentils, les critiques ou plutôt émerveillés, ça change des bougons de service. Ils savourent tout, les pains maison au parfum de coriandre et gingembre, ceux de Jean-Marc Bordonnat, la meilleure boulangerie de Nice, le jus de raisin d’Alain Milliat, servi sur le carré de bœuf du Piémont et l’aubergine grillée de Sicile laquée au tamarin. “On dirait du vin!”, dit Lola. C’est vrai, ce jus de raisin, arômes de cassis et de mûre, est de cépage syrah, bien connu dans les vignes de Provence et en vallée du Rhône.
Le maître d’hôtel décrit en détail l’iode et l’épicé, la polenta croustillante, l’aiglefin fumé, les notes asiatiques, les acras de morue comme aux Antilles, la polenta soufflée, les herbes et les racines – “c’est subtil, craquant et crémeux à la fois, on dirait de l’air, il y a même comme des chamallows aux agrumes”, dit Enzo. Lola approuve, mais un détail ne va pas: le boudin noir, servi avec le lard di Colonnata. Tous deux sont d’accord, ce plat pourrait bien faire baisser la note…
On sert maintenant les desserts, éclatants de subtilité, mousseline de citron et pépites de thé matcha au chocolat blanc, amandes caramélisées au curcuma et safran, lait pris au gingembre, raisin manuka du Liban séché au soleil…
Laissons les mots de la fin à Enzo, avec l’accord de Lola, de plus en plus assurée (elle a gardé un peu de la paille pomme verte !).
“Les mises en bouche étaient extraordinaires, ça explosait et c’était délicat à la fois. Chaque plat était une aventure et j’ai découvert autant de saveurs, d’épices et de textures que si je faisais un tour du monde culinaire!
L’espadon fumé à la sicilienne avec le citron confit au sel et la fleur de capucine m’ont emporté en Méditerranée. Moi qui préfère le salé, j’ai été bluffé par les desserts. Je ne pensais pas que l’ananas marié au tapioca s’accorderait avec la coriandre, qu’on pouvait ajouter de l’alcool et que ça donnerait quelque chose de fou!
À la fin, le pan masala, plat indien revu par les chefs, était d’une légèreté incroyable…
Avec Lola, nous avons passé un moment merveilleux et les frères Tourteaux sont de vrais chefs Noël ! Je n’oublierai jamais cette expérience!”
Lola et Enzo ont jugé Flaveur en critiques au regard neuf. Ils ont échangé sur les plats, les produits, le décor, le service et le talent des chefs et ont jugé “à la manière de” en appliquant les cotations du Guide Michelin (les étoiles) et du Gault & Millau (les notes sur 20).
Pour Enzo, trois étoiles et 19/20! “À cause du boudin noir“, Lola a hésité entre deux et trois étoiles mais pas sur la note, 18/20. Avec “presque” trois macarons et 18,5/20, ce verdict récompense une cuisine d’émotion.
“Merci au groupe Nice-Matin de nous avoir choisis car être jugés par des enfants est une belle idée. La manière dont ils ont ressenti notre cuisine, avec passion et sérieux, nous a touchés”, ont commenté Gaël et Mickaël Tourteaux, sur la voie d’un trois étoiles nouvelle génération. Les pros sont avertis: bientôt sortira Le Guide Enzo & Lola des bonnes tables de la Côte d’Azur, en attendant une édition nationale et la version en ligne. Flaveur inclus, bien sûr!
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