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ReportageAvec un budget serré, repérer le meilleur d’une grande surface et préparer un repas haut de gamme pour quatre personnes ? Mission accomplie par le chef de Table, à Paris. Dans l’assiette, bonite à la clémentine, céleri gratiné à la mimolette et yaourt aux carottes.
En parcourant les rayons d’un supermarché regorgeant de salades en sachet, de fruits importés du bout du monde et de steaks sous vide aux prix enfiévrés par l’inflation, on se dit que faire les courses est devenu un parcours du combattant. Un grand chef serait-il capable aujourd’hui de composer un menu décent en évoluant sur ce terrain miné avec un budget modeste ? On propose l’exercice à plusieurs grandes toques, qui refusent, pour des raisons d’image de marque. Jusqu’à ce que, enfin, un aventurier relève le défi.
Et c’est ainsi que l’on se retrouve devant les portiques d’un hypermarché de Bagnolet (Seine-Saint-Denis), en proche banlieue parisienne. Le chef est déjà là. Bruno Verjus, bon vivant au physique et à la culture d’ogre rabelaisien, dont la haute silhouette, épaissie par un pantalon mou écossais et une grosse parka, se découpe devant le halo des néons. « Ça fait trente ans que je n’ai pas mis les pieds dans un supermarché ! », rit le cuisinier de 64 ans. On répète la mission : réaliser un repas complet haut de gamme pour quatre personnes avec 30 euros. « Ça devrait aller, rassure le chef doublement étoilé. Je vois des clients sortir avec des légumes frais qui me paraissent nickel. »
Bruno Verjus semble pourtant à contre-emploi pour l’exercice. D’abord, parce que le menu qu’il pratique chez Table, son établissement posé derrière un rideau végétal de plantes et d’arbustes, dans une ruelle calme du 12e arrondissement de Paris, est l’un des plus onéreux de la capitale : 400 euros par tête de pipe. Ensuite, parce que cet amateur devenu professionnel « à la force du palais », comme il l’écrit dans son ouvrage L’Art de nourrir (Flammarion, 2021), ne jure que par les produits « vivants » – comprendre tout juste cueillis, pêchés… – de fournisseurs devenus, pour la plupart, des copains.
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