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En raison de l’augmentation des captures, la population d’albacores risque de dépasser un point de non-retour d’ici à 2017.
Temps de Lecture 3 min.
Depuis le 15 avril, Le Monde suit, à bord de l’Esperanza, la campagne de Greenpeace destinée à renseigner et dénoncer la surpêche des thons tropicaux, aggravée par la technique des dispositifs de concentration de poissons. Une méthode de pêche particulièrement dévastatrice. Durant six semaines, l’ONG naviguera dans le canal du Mozambique, entre Madagascar et Mayotte, au sud des Seychelles, traquant ces dispositifs.
Avant d’en agrémenter sa salade de tomate, le consommateur se demande rarement d’où vient le thon contenu dans la boîte de conserve qu’il s’apprête à ouvrir. En France, le thon blanc, ou germon, est considéré comme un produit haut de gamme. Mais la matière première de l’industrie de la conserverie est majoritairement constituée de thons tropicaux, pêchés tout autour du globe entre 10 à 12 degrés nord et 10 à 12 degrés sud. Avec près de trois millions de tonnes, le Pacifique en fournit l’essentiel, tandis que l’océan Indien en apporte près d’un million de tonnes et l’Atlantique environ 375 000 tonnes.
Les principaux indices d’abondance ont de quoi inquiéter
Dans cette famille de gros poissons, le thon rouge bénéficie d’un statut particulier : dans les années 2000, le roi du sushi a connu un tel déclin qu’il est depuis protégé par des stricts quotas de pêche dans la Méditerranée et l’Atlantique. Rien de tel pour l’albacore (ou thon jaune), le listao (ou bonite) et le patudo (thon obèse). Il est désormais officiellement reconnu que dans l’océan Indien le premier est surpêché à… 94 % !
Les principaux indices d’abondance – en particulier la faible part des animaux en âge de se reproduire – ont de quoi inquiéter, quels que soient les modèles numériques utilisés. Cette population risque de dépasser un point de non-retour d’ici à 2017, diagnostiquent les scientifiques qui travaillent pour la Commission thonière de l’océan Indien (CTOI), l’organisation chargée de mettre en place une gestion durable de la pêche dans cette partie du monde. Sans hésiter, ils attribuent la responsabilité du désastre à « l’augmentation du niveau des captures ».
La structure de la population de listaos inspire aux scientifiques de « fortes incertitudes »
Les bonnes pêches se révèlent trompeuses, car elles peuvent précéder de peu la disparition d’un stock de poissons. Or la pression ne cesse d’augmenter sur la population d’albacores de l’océan Indien : on les attrape à la palangre, au filet maillant, à la canne, à la senne avec ou sans dispositif de concentration de poissons, et trop de thons morts sont rejetés à la mer en même temps que d’autres prises accessoires, des requins notamment.
L’année 2014 avait enregistré un record historique ; le diagnostic devrait encore s’aggraver en 2015, car le rythme n’a pas baissé depuis. Alors qu’on pêchait 266 800 tonnes d’albacores en 2009, les statistiques sont montées à 301 655 tonnes en 2010, 400 300 tonnes en 2012, pour atteindre 430 327 tonnes en 2014.
Les scientifiques de la CTOI n’ont pas classé le listao dans la zone rouge, mais la structure de sa population leur inspire de « fortes incertitudes », d’autant que cette population de poissons n’a pas donné lieu à une évaluation en 2015. Les thoniers en ont pris 432 500 tonnes en 2014, alors que la moyenne des cinq années précédentes était de 402 000 tonnes. Quant au patudo, il est un peu moins pêché – 100 231 tonnes capturées en 2014, contre 102 200 tonnes les cinq années précédentes –, il n’est pas considéré comme surexploité, mais l’état du stock n’a pas été estimé depuis 2013.
la filière agroalimentaire de la mer vient de lancer un cri d’alarme
L’Union européenne est le premier marché d’exportation des produits de la pêche au thon de l’océan Indien. Or les tendances sont telles que la filière agroalimentaire de la mer vient de lancer un cri d’alarme. Sous les bons auspices du Fonds mondial de la nature (World Wildlife Fund, WWF), une trentaine d’acteurs du secteur ont rédigé à la mi-avril un appel en direction de la CTOI.
Ils engagent ses trente-deux pays membres, qui doivent tenir leur vingtième session plénière à la fin de mai à Saint-Denis de La Réunion, à réduire les tonnages de pêche de 20 % de l’ensemble des thons de cette partie du monde. Ils s’inquiètent particulièrement de la situation de l’albacore et de la pression grandissante sur le listao. « Nous reconnaissons que la gestion durable des stocks de thons est aussi indispensable à notre activité qu’à la santé de l’environnement marin », écrivent-ils.
Casino, Carrefour, Picard, Les Mousquetaires, Leclerc, nombre de distributeurs français ont signé ce communiqué. Des marques de conserves aussi, en particulier Petit Navire, John West et Mareblu : trois marques appartenant au géant mondial du secteur sis à Bangkok, Thaï Union.
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