Jun i, une table japonaise incontournable – Le Devoir

Question préliminaire : Jun i est-il un restaurant digne d’intérêt ? Réponse immédiate : Oui. Deuxième question moins préliminaire : pourquoi poser la question ? Réponse : parce qu’il est bon de ne pas toujours parler des « nouvelles places » et de mentionner, comme un hommage respectueux, les anciens qui ont tracé la voie et qui, toujours, cisèlent leurs créations.
Il y a quelques mois, des lecteurs me rapportaient un très intéressant article publié par des confrères et portant sur les restaurants japonais de Montréal. On y parlait essentiellement de deux excellents chefs. Le nom du chef de Jun i n’apparaissait nulle part.
Selon moi, parler de la cuisine japonaise à Montréal sans mentionner, ne serait-ce qu’accessoirement — ce qui, selon moi, serait tout de même une sorte de crime de lèse-majesté —, Junichi Ikematsu, c’est comme parler de la cuisine québécoise sans mentionner Normand Laprise.
Il y a 20 ans (!), Junichi Ikematsu préparait déjà une cuisine intrigante dans le Vieux-Montréal. Le restaurant s’appelait Soto et ne dura que quelques années, le talent des gestionnaires n’égalant pas celui du chef.
Les clients avaient cependant eu le temps de découvrir que la cuisine japonaise ne se limite pas aux comptoirs de sushis et que le pays du Soleil levant possède une tradition gastronomique exceptionnelle. La vaste majorité de ces gourmand(e)s suivirent Junichi San dans son nouveau restaurant de l’avenue Laurier, Jun i.
Je suis retourné à la table du chef Ikematsu et je peux vous assurer qu’elle demeure une étape incontournable pour qui aime cette cuisine aux antipodes de la poutine et du gratin dauphinois.
29 $ à midi et 75,50 $ par personne en soirée (avant vin, taxes et pourboire) n’est certes pas à la portée de toutes les bourses, mais on parle ici de soirée unique ou de midi hors du commun où vous aurez voulu marquer d’un repas exceptionnel une occasion spéciale. La notion de cherté est toujours à mettre en parallèle avec ce que vous obtenez pour votre argent.
100 $ pour une soirée bruyante dans un restaurant prétentieux aux assiettes inintéressantes, c’est cher. Les mêmes 100 $ laissés sur une table dont le souvenir vous accompagnera toute votre vie, ce n’est pas cher. (« Te souviens-tu, mon amour, de la douceur de ce plat de poissons grillés pris à Santorin chez Dimitri’s, ce miniresto les pieds dans l’eau, juste à l’aplomb d’Oia ? » Et croyez-moi, ça avait coûté une beurrée. Grecque et en euros.)
À midi, la maison propose une table d’hôte très équilibrée, un choix de trois entrées dont une soupe miso aux champignons eniki et aux minicubes de tofu, qui vous donne envie de ne rien prendre d’autre tant sa composition est parfaite et tant vous craignez d’être déçu par la suite.
Ce qui ne sera pas le cas si vous écoutez Guillaume La Machine, le sympathique jeune homme qui fait le métier de serveur avec une louable application. « Je vous suggère le Sushi Mori Awase, une petite dizaine de sushis sélectionnés par le chef », suggéra Guillaume.
Ce jour-là, le chef du midi s’appelait Palisack Mannorind. Je vous souhaite de tomber sur lui lorsque vous irez déjeuner. Une perle. Cardeau, crevette légèrement sucrée, pétoncle, omble chevalier, hamachi, saumon, thon rouge, tout était parfumé, impeccable, d’une extraordinaire fraîcheur soyeuse.
En dessert, une demi-sphère de fromage à la crème, quelques canneberges, un coulis de ces mêmes baies, une gelée d’ananas et quelques touches de mangue. Du grand art. Note à la cuisine : certes, je me mis à table vers 13 h, mais vous pourriez vous arranger pour que le prochain client qui choisira la même plage horaire profite d’une miso chaude ou très chaude. Tiède, ça craint, comme textent les jeunes Japonais.
Le soir, vous pourriez voir grand et sélectionner certains éléments particulièrement intéressants que le chef met sur sa carte. Commencez par un bouillon clair de bonite avec bourgots, algue tosaka et champignons du marché (Sumashi Bourgot) pour vous mettre en appétit.
Faites suivre du Kaiso trio, une délicieuse salade d’algues (wakame, tosaka et ogonori) enjolivée d’une vinaigrette au shiso ou, si vous aimez la viande transcendée, du cerf de Boileau façon tataki — un bonheur en soi — accompagné de trois petites délicatesses plus jouissives les unes que les autres : Kimchi de chou-fleur, oignons en panko et aïoli au miso.
Poursuivez avec quelques sushis, sahimis, makis et autres temakis. Complétez avec un de ces desserts peaufinés par Tomoko Watanabe, une jeune pâtissière japonaise qui parle avec l’accent des Buttes-Chaumont et pâtisse avec des accents de Christophe Michalak mêlés d’embruns de la baie de Shibushi, une ravissante bourgade portuaire méridionale japonaise. Le Choco brûlé de Mademoiselle Watanabe — un étagé de crème brûlée, mousse et croustillant au chocolat, servi avec un sorbet aux poires — est un modèle d’équilibre et de décadence.
Vingt ans plus tard, monsieur Ikematsu salue toujours aussi respectueusement tout nouvel arrivant d’un retentissant « Irachaï massé » (« Soyez les bienvenus »). Vingt ans plus tard, la clientèle semble apprécier l’accueil avec le même entrain et répond en tombant à baguettes raccourcies dans les superbes plats du chef. Respect.
156, avenue Laurier Ouest
Montréal 
514 276-5864

Ouvert du mardi au vendredi de midi à 14 h 30 et du lundi au samedi de 18 h à 23 h. « Irachaï massé », c’est un peu compliqué pour nous à l’arrivée, mais au moment de quitter, même le plus Occidental d’entre nous peut y aller d’un tout aussi retentissant « Sayonara ». Ça fait plaisir au chef et puis c’est si chic mélodiquement. De la carte des réjouissances liquides, mon collègue et néanmoins ami Jean « Biberon » Aubry dit : « Simplement une carte modèle qui cadre au poil avec la table. Modérée à élevée en termes de prix, certes, mais le désir croît avec l’usage sur le plan des émotions. Sans doute l’une des plus intéressantes cartes de saké au pays. »
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