Dans le cadre de sa politique de diversification et de valorisation des produits qu’il pêche en océan Indien et dans les eaux australes, l’armement réunionnais Sapmer a inauguré hier sa première poissonnerie fine dans l’Hexagone. Installés à Concarneau, dans un ancien atelier de marée, « Les Comptoirs Sapmer » ont été imaginés comme un espace de vente directe au consommateur. « Nous souhaitons avec cette poissonnerie fine développer une offre en circuit court, sans intermédiaire, directement du producteur au consommateur, avec des produits de première qualité, 100% naturels et issus d’une pêche responsable et durable. C’est aussi une grande première de proposer à tout le monde, en vente libre, des produits comme la légine ou la langouste australe », explique Adrien de Chomereau, directeur général de Sapmer, qui pêche également et commercialise dans ses Comptoirs du thon tropical (albacore et bonite).
(© SAPMER)
Un lieu de vente, d’échanges et d’animations culinaires
Le concept original de poissonnerie fine développé par l’armement est basé sur le partage avec le consommateur autour de la cuisine. Voulu comme un commerce de proximité, avec une surface de vente et de stockage de 100 m2, Les Comptoirs Sapmer s’adressent aux particuliers mais aussi aux professionnels de la cuisine, qui peuvent y découvrir des nouveautés et agrémenter les cartes des restaurants avec des produits d’exception en provenance directe des pêches thonières et australes de l’armement. L’établissement offre aussi l’opportunité de participer à des animations culinaires toute l’année : ateliers de préparations, démonstrations de chefs locaux ou de cuisiniers de la compagnie, dégustations de produits ou encore des cours de cuisine.
Démonstration hier du chef Sapmer Jean-Marie Auber (© SEA TO SEA)
Dans les rayons, sont proposés des poissons et crustacés en portions, filets, steaks ou longes pour les sashimis, mi-cuits et autres marinades. Tout cela, « sans aucun additif ni conservateur, ils sont tels que sortis de l’eau ». Une qualité et une fraicheur préservées grâce à une méthode de congélation, immédiatement après la pêche et à ultra basse température à bord. Sapmer a également développé une gamme appertisée, pour répondre notamment à une forte demande des consommateurs sur les produits de la mer servis à l’apéritif. « Nous avons par exemple des rillettes de légine avec des condiments qui viennent d’océan Indien et de Bretagne, comme des algues, de la bergamote, du piment ou de la fleur de sel ».
(© SAPMER)
Une idée née à La Réunion du succès des ventes aux salariés
L’idée des Comptoirs est née à La Réunion, où est basé l’armement. « Nous avions l’occasion de proposer des ventes à nos équipes lors des périodes de fêtes. Cette initiative a eu un succès considérable et les familles comme les amis ont commencé à passer commande auprès de nos salariés. Nous nous sommes alors dit que si les entourages étaient intéressés, pourquoi pas ouvrir des points de vente afin que tout le monde puisse en profiter ? Nous avons donc tenté l’expérience et constaté l’intérêt des particuliers et des restaurateurs pour accéder à des produits de qualité à prix producteur ».
Fort de ce succès, SAPMER, après avoir ouvert deux Comptoirs réunionnais, lance cette première poissonnerie fine en métropole. Et si elle voit le jour à Concarneau, ce n’est évidemment pas un hasard : « Beaucoup de nos marins sont de la région, et il y a là les chantiers et nos équipementiers. Implanter une poissonnerie à Concarneau nous est apparu comme une évidence. Nous avons ici une présence historique très forte et un lien qui remonte à l’origine de Sapmer ».
Pêche au thon en océan Indien (© SAPMER)
Mieux faire connaître une activité lointaine
D’ailleurs, le concept des Comptoirs n’est pas uniquement un lieu de vente et de découvertes culinaires. Il a aussi vocation à mettre en valeur auprès du grand public les métiers de la pêche et le quotidien des marins, dont de nombreux bretons, qui travaillent chaque jour, à l’autre bout du monde, pour ramener du thon, de la légine et de la langouste. « Il y a des photos et des explications sur les murs, et bien sûr les responsables des Comptoirs sont là pour répondre aux questions. L’enjeu est de faire comprendre ce qu’est cette pêche durable, d’où viennent les produits, par qui et comment ils ont été pêchés. Car derrière les produits, il y a une histoire, notamment celle de nos bateaux et de nos marins, qui ont un vrai savoir-faire et dont nous voulons valoriser le travail ».
Une histoire qui remonte à 1947
Cette histoire entre une terre de marins et une île en plein océan Indien, elle a débuté il y a plus de 70 ans. « C’était en 1947, quand l’aventure a commencé avec un vieux gréement, le Cancalais, qui allait pêcher la langouste depuis La Réunion. C’était l’idée de trois entrepreneurs qui voulaient réagir à la pénurie de poisson liée aux problèmes des lignes de ravitaillement après-guerre. Dans les archives et les écrits, ils savaient qu’il y avait du poisson dans les eaux australes et ils se sont lancés, avec des marins bretons et réunionnais. L’armement a poursuivi avec la légine dans les années 80, qui furent marquées par le démarrage des campagnes scientifiques et la lutte contre la pêche illégale dans l’océan Austral. Les années 90 ont vu l’instauration de quotas et le changement de la flotte, passée du chalut à la palangre, plus sélective et respectueuse. Dans les années 90, nous nous sommes aussi lancés dans la pêche au thon dans les mers chaudes de l’océan Indien, à 3000 kilomètres au nord, avec encore une fois des marins bretons dans les équipages. Toute cette histoire est faite d’innovation, de développements et d’améliorations de la logistique et du traitement du poisson, qui explique la qualité des produits que nous proposons aujourd’hui ».
Les zones de pêche de Sapmer, le thon au nord, la légine et langouste dans le grand sud (© SAPMER)
Après une mauvaise passe, « le rebond est bien confirmé »
Forte de 1029 employés, dont 150 marins français, Sapmer, qui aligne 9 thoniers senneurs, 4 palangriers surgélateurs et un chalutier caseyeur congélateur, a connu un développement spectaculaire à partir de la fin des années 2000, avant de traverser une période délicate. Une mauvaise passe qu’Adrien de Chomereau estime derrière l’armement : « On peut dire que le rebond est bien confirmé, grâce notamment à tous les efforts mis en œuvre il y a 3, 4 ans, pour améliorer l’organisation et relancer l’entreprise. Depuis deux ans, nous sommes dans la consolidation ».
Le remplacement de l’Austral à l’étude
Pas de grand plan de constructions neuves à l’horizon, comme la compagnie en a connu il y a 10 ans. Sapmer étudie néanmoins le remplacement de son chalutier caseyeur congélateur dédié à la pêche à la langouste. Il s’agit du vieil Austral, navire de 76 mètres datant de 1986. « Nous en sommes encore au stade de la réflexion et des études, c’est un projet à moyen-terme, il n’y a pas urgence car ce bateau fonctionne et ramène d’ailleurs, depuis cette année, ses premières langoustes vivantes à La Réunion ».
L’activité sur la légine a quant à elle été marquée l’an dernier par un conflit entre les armateurs historiques et un outsider, Réunion Pêche Australe, qui bénéficiait d’un quota de 100 tonnes accordé par l’administration des TAAF mais n’a pas pu affréter le bateau qu’il souhaitait. La bataille qui pourrait reprendre dans les mois qui viennent. Adrien de Chomereau ne souhaite pas s’étendre sur le sujet. « Nous verrons bien. Pour ce qui nous concerne, nous avons toujours été attachés, depuis 70 ans, au respect des quotas et des règles, nous nous inscrivons dans cette continuité ».
L’un des six thoniers de 90 mètres de l’armement (© SAPMER)
Thon : mieux valoriser la pêche
Pour ce qui est du thon tropical, après avoir pris livraison de neuf grands thoniers de 80 à 90 mètres, livrés par Piriou entre 2009 et 2015, Sapmer, qui nourrissait de grandes ambitions dans le développement de ce marché vers le Pacifique, a finalement abandonné ses projets et se concentre sur l’océan Indien. « La mise en place de quotas sur l’albacore en 2017 va limiter la hausse des capacités de pêche, et c’est une excellente chose. En océan Indien, nous n’avons pas d’autre projet aujourd’hui que ce que nous faisons, notamment une meilleure valorisation des pêches, à l’image du développement des Comptoirs Sapmer ».
Thon surgelé à très basse température en filets, longes et portions, légine et langouste australe, déclinaisons appertisées… « il y a un vrai potentiel de développement pour notre marque en France et à l’international, avec des réseaux de distribution de plus en plus spécialisés ». L’armement veut en tous cas rester sur son positionnement, autrement dit on ne verra pas de boites de conserve estampillées Sapmer dans les rayons des supermarchés. « Nous voulons vraiment rester dans le naturel, être précurseur sur des innovations qui apportent de la valeur ».
Quant aux Comptoirs, après La Réunion et Concarneau, d’autres établissements de ce type pourraient voir le jour ailleurs en France. « On ne peut pas s’empêcher d’y penser, évidemment, mais là, nous lançons Concarneau et nous verrons ensuite en fonction de la demande. Nous y allons étape par étape ».