Spécialiste des poissons à rostre de Méditerranée, Samuel Urbain nous raconte une pêche exceptionnelle au cours de laquelle il a fait un quadruplé d’espadons dans la grande bleue. Récit. Texte et photos de Samuel Urbain
19 juillet 2020. Voilà une date qui restera dans les annales ! Ce jour-là, avec mon père, nous avons capturé, marqué et relâché quatre espadons au large de Sainte-Maxime. Nous avons déjà connu des sorties fructueuses, mais une comme celle-ci, jamais… Avant de vous faire le récit de ces captures, il faut revenir en arrière pour bien comprendre ce que représente pour nous un tel chiffre.
Après quelques années à traquer les espèces communes de Méditerranée (barracuda, liche, loup, thon…), l’envie de rencontrer un Xiphias gladius était forte. Nous étions, avec mon père, obnubilés par cette idée. N’ayant aucune information fiable, nous ne savions ni où, ni comment les trouver. Nous avons ainsi mis le focus à 100% sur la recherche des espadons, et cela ne fut pas simple… si bien que deux saisons durant c’était la disette.
Après des dizaines de journées de pêche infructueuses à la recherche de ce gladiateur, nous nous sommes finalement rendu compte que cerner cette mystérieuse espèce représentait un réel défi.
C’est alors qu’en août 2015 nous touchons notre premier spécimen. Ce moment restera à jamais gravé dans notre mémoire de pêcheur car nous avions atteint notre objectif au point culminant de nos efforts, de notre recherche, de notre patience et persévérance.
Dès les mois suivants j’ai adapté et amélioré encore un peu plus la technique de pêche pour devenir plus régulier en nombre de prises. Nous avons donc acquis au fil du temps la connaissance et l’expérience nécessaires, ce qui nous permet aujourd’hui d’avoir des journées exceptionnelles où nous pouvons réaliser plusieurs captures.
Et cette saison 2020 démarre plutôt bien… Il y a eu de belles sorties et la confiance est là ! Ce matin du 19 juillet, nous quittons le port de Sainte-Maxime de bonne heure, avec une légère brise dans le visage et le chant des goélands dans les oreilles, excités et impatients de passer une agréable journée de pêche et d’en découdre avec ces gladiateurs… Nous voilà fin prêts à nous diriger vers le large, après avoir pris les derniers avis météo, et celle-ci était au beau fixe ! Nous voilà maintenant en pleine navigation, on file à plus de 30 nœuds sur une mer calme.
Pendant le trajet pour rejoindre notre zone de prédilection nous rencontrons deux bancs de dauphins de 20 à 30 individus chacun, nous ne pouvions pas faire autrement que de ralentir et d’observer ce magnifique spectacle que la nature nous offrait.
Nous avons finalement continué notre route quelques temps et nous sommes enfin arrivés sur l’un de nos endroits habituels. C’est maintenant le moment de la mise en place du bateau et de la préparation du matériel. Nous faisons le choix de ne déployer qu’une seule ligne car nous ne sommes généralement qu’à deux sur le bateau et cela peut très vite se compliquer avec ces poissons imprévisibles
et potentiellement dangereux.
J’esche donc le premier appât de la journée – les appâts favoris des espadons étant des bonites, chinchards, calamars – sur un hameçon J de 10/0. Le bas de ligne est en 250Lb afin de résister aux coups de rostre imposant et à l’usure qui en découle. Après seulement 30 minutes d’attente on enregistre le premier départ de la journée.
Le combat n’est pas très long, environ une vingtaine de minutes. Une fois le bas de ligne proche du bateau, la plus grande attention doit être de mise. Je donne des consignes strictes et précises à mon père, capitaine du bateau, pour
qu’il puisse anticiper les déplacements et les sauts éventuels du poisson à proximité de l’embarcation. Le gladiateur arrive et perce finalement la surface avec son « épée », je le saisis par le rostre afin de l’immobiliser.
Comme expliqué dans l’article sur le taggage dans le numéro 421 de PEM, je me suis fait une spécialité dans le marquage de l’espèce : je lui place donc rapidement une balise « spaghetti » sur la partie supérieure de son corps à l’aide d’un applicateur conçu à cet effet. Le poisson toujours maintenu fermement dans l’eau à côté du bateau, nous prenons le temps d’établir une carte d’identification avec ses mesures, estimation de son poids, etc. avant de prendre rapidement une photo en souvenir de ce poisson majestueux aux couleurs sublimes et de le laisser regagner le plus vite possible les eaux cristallines de la Méditerranée.
Et la journée ne faisait que de commencer car il s’en suivit trois autres captures, taggages et relâches d’espadons, plus ou moins semblables, en tout cas tant au niveau de la configuration de pêche que des conditions météo, avec toujours ce temps clair et un vent calme. D’ailleurs la température de l’eau à 24°C ce jour là était vraiment favorable pour les traquer. En revanche, faire un quadruplé d’espadons (compris entre 30 kg et 60 kg) sur une journée a été quand même exceptionnel, d’autant que les Xiphias vivent généralement de manière
solitaire ou en très petits groupes.
Avec l’expérience de ces dernières années, j’ai pu notamment remarquer qu’ils présentaient cette particularité d’être assez indociles à manger les appâts. Il y a parfois des journées comme celle-ci où ils sont plutôt très « mordeurs », et d’autres bien plus difficiles.
Âge : 33 ans
Résidence : Sainte-Maxime, Var
Sponsors : J’ai la chance d’être pro-team pour la célèbre marque de vêtements PELAGIC Gear, Hooker Elec. Reel pour les moulinets, Barret pour les cannes, d’autres partenariats sont en cours de négociation.
Trajectoire du pêcheur : J’ai débuté la pêche en bord de Meuse dès mon plus jeune âge pour ensuite être parachuté en mer Méditerranée vers l’an 2000, dans le golfe de Saint-Tropez où je traquais d’abord toutes les variétés de carnassiers, et enfin atteindre mon but ultime, les espadons Xiphias !
Espèces et spots de prédilection : Xiphias, sériole, denti, liche, thon, barracuda dans la région du Var ainsi que le marlin, le Mahi-Mahi et autres poissons exotiques lors de différents voyages de pêche en Amérique centrale, Afrique…
L’ espadon pour Samuel : C’est « le » poisson roi que tous les pêcheurs sportifs rêvent de pêcher un jour, c’est un poisson mythique à la défense légendaire ! Très complexe à rechercher et à cibler spécifiquement, ce qui en fait nul doute pour moi le poisson le plus intéressant à pêcher.
Engagement : Nous balisons tous nos poissons pour une fondation américaine qui se nomme « The Billfish Foundation ». J’ai d’ailleurs remporté en 2017 et en 2019 leur grande compétition internationale annuelle en tant que Top Tagging Angler Swordfish (*meilleur pêcheur et taggeur d’espadon) pour avoir identifié le plus grand nombre d’espadons, Xiphias gladius. Ce programme de marquage œuvre pour la protection, la préservation et la recherche des poissons à rostre.
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