Arnaud Dejeans
a.dejeans@sudouest.fr
Ne rêvez pas. Les darnes de thon rouge ne viendront pas illuminer les assiettes de la Fête du thon, demain soir sur la place Foch et sur le port. Car la « Rolls-Royce » de l’Atlantique est une denrée trop rare (et trop chère) pour pouvoir être servie le même soir à 5 ou 6 000 convives (lire ci-dessous).
Les amoureux du traditionnel…
a.dejeans@sudouest.fr
Ne rêvez pas. Les darnes de thon rouge ne viendront pas illuminer les assiettes de la Fête du thon, demain soir sur la place Foch et sur le port. Car la « Rolls-Royce » de l’Atlantique est une denrée trop rare (et trop chère) pour pouvoir être servie le même soir à 5 ou 6 000 convives (lire ci-dessous).
Les amoureux du traditionnel thon-piperade devront donc se contenter d’espèces cousines un peu moins nobles (germon, albacore, patudo, bonite). Ou taper à la porte des rares restaurants de la baie qui mettent le thon rouge à la carte ces jours-ci. Du thon rouge, vraiment ? Oui. Car la campagne de cette pêche si réglementée a débuté il y a trois semaines maintenant. De quoi donner le sourire aux quatre navires du quartier maritime qui pratiquent encore la pêche historique « à la canne » : « Airosa » et « Lapurdi » à Saint-Jean-de-Luz, « Atalaya » à Hendaye et « Aldena » à Capbreton.
Des prix en baisse
Ces quatre entreprises flottantes devront se partager le quota 2016 de 80 tonnes. Les chalutiers récupérant les 40 tonnes restantes. « Ce sont des chiffres à peu près identiques à l’an dernier. Force est de constater que la ressource est de retour dans le golf de Gascogne, mais cette espèce est encore soumise à des quotas très stricts », pose David Milly, le directeur de l’Organisation de producteurs (OP) Pêcheurs d’Aquitaine.
Ces restrictions n’ont pas que des effets négatifs pour les professionnels de la mer. Car la limitation de l’offre sur le marché national et international a pour conséquence de valoriser le prix de cette espèce à la criée. « L’an dernier, le prix de vente dépassait régulièrement les 15 euros le kilo », chiffre David Milly. On comprend mieux pourquoi cette courte campagne de pêche (du 15 juin au 15 août environ) est stratégique pour les rares pêcheurs luziens autorisés à dégainer cannes et crocs. « Airosa » a commencé sa campagne 2016 dès le coup d’envoi mi-juin et a déjà ramené de belles pièces (20 à 40 kg) en criée depuis le 15 juin. C’était le cas hier matin par exemple, où le kilo s’est négocié autour des 11 euros.
Un montant qui peut paraître faible par rapport au millésime 2015. Mais ce n’est que le début. Car les prix devraient continuer à baisser dans les semaines qui viennent. La faute à un marché plus concurrentiel. Après trois ans d’absence (les pêcheurs de Fontarrabie et Pasajès ayant loué leurs quotas en Méditerranée lors des dernières campagnes), « les Basques du sud sont de retour. Ils ont commencé leur campagne thon rouge le 1er juillet. Ils ont quatre fois plus de quotas que nous et sont dotés de plus gros bateaux. Résultat, il y a davantage de thon rouge en criée. Et les prix chutent. » L’implacable logique de l’offre et de la demande. Autre conséquence possible de cette concurrence nord-sud : « Les bancs de poissons “travaillés” (sic) en début de saison deviennent plus méfiants. Et donc plus difficiles à maîtriser », complète le directeur de l’OP.
Lourdeurs administratives
Pas de quoi inquiéter le patron du « Lapurdi », qui n’a pas encore commencé sa campagne (quota de 10 tonnes pour lui) : « Les bancs sont trop loin pour le moment. J’attends qu’ils se rapprochent un peu de la côte. Je préfère me concentrer sur des poissons plus petits (10-15 kilos) que les poissonniers vendent mieux. »
En attendant de faire un premier bilan 2016, le directeur de l’OP Pêcheurs d’Aquitaine tire la sonnette d’alarme : « Cette espèce est tellement contrôlée que tous les maillons de la chaîne sont obligés de suivre un nouveau protocole informatisé très strict. À terme, cette lourdeur administrative risque de pénaliser la filière », craint David Milly.