Nicolas de Rabaudy —
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Qui ne rêve d’une maison sur la colline éternelle de Vézelay, d’une villa à Vonnas, village fleuri métamorphosé par le chef triple étoilé Georges Blanc dont le bistrot ancestral est le plus visité de France, ou encore d’un appartement dans le vieux Dijon ou près des Hospices de Beaune superbement entretenus. Oui, il y a une douceur de vivre dans la Bourgogne éternelle: «Qui boit du Meursault ne vit ni ne meurt sot!»
Côté bonnes tables, le Michelin a inscrit dans le guide 2018 trente-deux tables étoilées, dont cinq à Dijon et trois à Beaune: une sorte de record avec l’Aquitaine, l’Île-de-France et la Provence-Alpes-Côte d’Azur.
En fait, chaque chef, selon la situation géographique de son établissement et sa culture culinaire, propose un corpus de préparations spécifiques, personnalisées comme le jambon du Morvan à Dijon, les grenouilles à Saulieu et la poularde de Bresse dans l’Ain.
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C’était la Côte d’Or créée par Alexandre Dumaine, phare de la haute cuisine française avec Fernand Point à Vienne et André Pic à Valence juste après la Seconde Guerre mondiale: l’étape reine pour les Parisiens et les Belges filant vers la Méditerranée où remontant vers le Nord.
En 2004, un an après la mort tragique de Bernard Loiseau, réinventeur de L’auberge fameuse, Dominique Loiseau et ses trois enfants, Bérangère, Bastien et Blanche, rebaptisèrent l’hôtel-restaurant le Relais Bernard Loiseau –juste retour à la vérité de l’établissement très étoilé par le guide rouge.
Patrick Bertron, bras droit de Bernard en cuisine, homme de cœur et de fidélité (trente-cinq ans de maison), s’est efforcé avec humilité de prolonger l’œuvre culinaire du bourguignon d’adoption, triplement étoilé en 1991.
Sandre et fondue d’échalotes, sauce au vin rouge. | Relais Bernard Loiseau
À la carte, dès la réouverture en mars 2003, le successeur au piano a inscrit les cuisses de grenouille à l’ail et jus de persil, le sandre de rivière à l’échalote et sauce au vin rouge, la poularde Dumaine cuite en pot (deux heures) escortée de riz basmati aux truffes: un grand moment de gastronomie à commander avant le repas.
Jambonnettes de grenouille à la purée d’ail et au jus de persil. | Bernard Loiseau
Aux plats du souvenir, Bertron a ajouté le lièvre à la royale en deux versions, les escargots concassés à l’embeurrée de sapin du Morvan, les noix de Saint-Jacques poêlées, endives de pleine terre et agrumes, le pâté en croûte enrichi d’une farce de volaille, de canard et de foie gras, le filet de biche aux coings confits au poivre, la mandarine glacée et compotée, espuma douce de moutarde de Dijon et la rose des sables à la glace pur chocolat et coulis d’orange confite, une simple merveille de Bernard Loiseau.
Au Relais Bernard Loiseau, noix de Saint-Jacques poêlées, endives et agrumes. | ©Franck Juery
C’est l’honneur des chefs créateurs de modifier le legs du passé et d’offrir de nouveaux plats signatures inspirés par les ressources du terroir et une gestuelle bien adaptée aux produits. Ces chefs sont des artistes de la Bourgogne gourmande.
Mandarine glacée et compotée, espuma douce de moutarde de Dijon. | Relais Bernard Loiseau
• 2 rue d’Argentine 21210 Saulieu. Tél: 03 80 90 53 53. Menus au déjeuner Nationale 6 à 75 euros. Hommage aux Saveurs à 150 euros. Mes racines en six service à 135 euros et 245 euros en huit services. Fermé lundi et mardi. Chambres à partir de 165 euros. Piscine, jardin et SPA à Loiseau des Sens. Voiturier.
Jean-Michel Lorain a succédé à son père Michel qui avait gagné la troisième étoile en 1986. Le fils prodigue, couvé par sa mère, formé dans les meilleures maisons de bouche, a fait évoluer le répertoire de l’auberge jovinienne tout en conservant les plats emblématiques du paternel au sourire permanent: le délicieux boudin noir du charcutier local, le bar fumé au caviar (sublime), la truffe aux choux (en saison) et la poularde à la vapeur de champagne –de simples merveilles dans l’assiette. Quel héritage!
Mais le fils unique revendique ses racines bourguignonnes, il se veut le chantre de sa région si riche en recettes fameuses reposant sur le culte du produit, une exigence absolue.
Ainsi a-t-il forgé une cinquantaine de plats aux escargots, servi le jambon à l’os au brunch, retravaillé le coq au vin, la carpe, le délicat sandre à la purée de potimarron, et concocté une exquise mousseline de brochet aux écrevisses suivie d’une poire au cassis.
Disons-le, ce quinquagénaire réservé, rarement absent de la maison familiale, se veut un créateur de préparations originales: la genèse de l’huître, remarquable composition, les huîtres en terrine océane, les macaronis farcis au foie gras et truffes accompagnent la côte de bœuf Hereford et la glace à la rose en tulipe et pétales de rose qu’il ne faut pas manquer.
En un demi-siècle, la Côte Saint-Jacques a été transformée par les Lorain, c’est aujourd’hui une sorte de paradis sur l’Yonne, un Relais & Châteaux exemplaire pour le charme, la sérénité et l’accueil de l’héritier assez fier de montrer à ses parents le chemin accompli sur la route de l’excellence. Il faut y aller! À une heure trente de Paris.
• 14 Faubourg de Paris 89300 Joigny. Tél: 03 86 62 09 70. Menus au déjeuner à 79 euros sauf dimanche, à 94 euros tous les jours, Découverte à 168 euros et 246 euros avec Accord Mets et Vins. Menu Gourmand à 198 euros et 287 euros avec Accord Mets et Vins. Grand Menu à 238 euros. Pas de fermeture. Chambres à partir de 160 euros. Piscine couverte. Soins. Voiturier.
Salle du restaurant Loiseau des Ducs. | ©Matthieu Cellard
Après Loiseau des Vignes à Beaune dans l’Hôtel le Cep, Dominique Loiseau a acquis en 2013 un hôtel particulier du XVIe siècle dans le centre historique de la ville chère au chanoine Kir –le restaurant a été étoilé peu après.
Louis-Philippe Vigilant, chef à Loiseau des Ducs. | ©Matthieu Cellard
Patrick Bertron, chef doublement étoilé de Saulieu, a placé en cuisine Louis-Philippe Vigilant, son élève très doué, chargé de perpétuer l’héritage bourguignon de Bernard Loiseau.
Ainsi, à la carte ducale, on trouve le fameux sandre à la peau croustillante à peine revisité, le jambon persillé en gelée à la purée de persil, les escargots et grenouilles à la purée d’ail, le paleron de bœuf bourguignon braisé léger qui plaît beaucoup, le ris de veau à la moutarde de Meursault (rare), et le parfait au cassis de Bourgogne à la vanille comme gâterie de conclusion.
Au restaurant Loiseau des Ducs, bonite à l’aubergine fumée. | ©Matthieu Cellard
Tout est dans la manière créative et la transcription inédite des plats d’hier, pas toujours au goût d’aujourd’hui. C’est plein aux deux repas, et les menus bien composés sont à conseiller. Prix décents, même le soir.
Au restaurant Loiseau des Ducs, le marron chaud dans son nid, fraîcheur de coing au poivre sauvage. | ©Matthieu Cellard
• 3 rue Vauban 21000 Dijon. Tél: 03 80 30 28 09. Menus Formule des Ducs à 25 et 35 euros. Menu Gourmand à 55 euros en trois services et 75 euros en cinq services. Dégustation à 105 euros. Menu «Tout Truffe» en saison à 100 euros. Vins au verre de tous pays et de Bourgogne. Fermé dimanche et lundi.
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Voilà la meilleure adresse de la ville où va s’ériger en 2020 la Cité de la gastronomie dans les anciens hospices. Les milliers de visiteurs attendus pourront réserver une table dans cette ancienne auberge signalée par le chapeau rouge du gardien devenue avec le temps une institution gourmande, fréquentée d’abord par les gens de Dijon et des environs. Une institution de bonne chère.
C’est ici, dans ces murs préservés, que William Frachot s’est installé en 1999, conseillé par le grand cuisinier Philippe Charron, la mémoire vivante des grands plats du terroir de Bourgogne qui ont été transmis au nouveau chef de grand talent, actuellement le seul deux étoiles de la capitale de la moutarde.
C’est au Chapeau Rouge qu’il faut se régaler du jambon persillé servi chaud (une rareté), des grenouilles en persillade et flan d’ail, de l’œuf en meurette admirable –la sauce brune, trois jours de travail– du paleron de bœuf bourguignon en cubes, délicieux, de la glace au cassis en coque et du soufflé au pain d’épices, exceptionnelle gâterie en baisser de rideau. Oui, un repas d’anthologie.
De la carte des vins, une étonnante encyclopédie des crus bourguignons, il faudra privilégier un accord mets et flacons. Pouilly-Fuissé La Croix 2015 (le verre à 16 euros), et Côtes de Nuits Villages Les Essards 2015 (12 euros) servis à température de cave.
Une visite s’impose à tous les bons palais.
• 5 rue Michelet 21024 Dijon. Tél.: 03 80 50 88 88. Menus à 42 euros (trois plats). Découverte à 78 euros. Signature à 120 euros. Fermé dimanche et lundi. Voiturier. Chambres à partir de 105 euros. SPA. Voiturier.
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Allard
Les dames Allard étaient bourguignonnes, d’où le cortège de plats signatures: les escargots aux fines herbes, le pâté en croûte, le veau à la berrichonne, le turbot au beurre blanc. Bourgogne rouge et blanc à la carte. C’est un établissement Ducasse.
• 41 rue Saint-André-des-Arts 75006 Paris. Tél: 01 58 00 23 42. Menu au déjeuner à 34 euros. Carte de 60 à 80 euros. Pas de fermeture.
La Ferrandaise
À deux pas du Sénat, un bistrot pour fins becs: hure de veau et cochon gribiche, pieds de veau ferrandaise pommes boulangères, baba au rhum.
• 8 rue de Vaugirard 75006 Paris. Tél: 01 43 26 36 36. Menus au déjeuner à 16 euros, midi et soir à 37 euros. Dégustation à 55 euros (six plats). Fermé samedi midi, dimanche et lundi midi.
Bourgogne Sud
Œuf en meurette, quenelle de brochet Nantua, bœuf bourguignon, sorbet cassis au marc, et des vins de là-bas. Une embrassade gourmande bienvenue et régulière.
• 14 rue de Clichy 75009 Paris. Tél: 01 48 74 51 27. Menus au déjeuner à 18 euros, 26,50 et 33 euros. Fermé samedi midi et dimanche.
Les 110 du Taillevent
Pâté en croûte, vol-au-vent financière, côte de bœuf béarnaise, poire Belle Hélène du chef Émile Cotte, un remarquable maestro.
• 195 rue du Faubourg Saint-Honoré 75008 Paris. Tél: 01 40 74 20 20. Menus à 44 euros au déjeuner. Carte de 50 à 80 euros. Un choix de vins au verre extraordinaire. Pas de fermeture.
Benoît
Soupe crémeuse d’écrevisses, pâté en croûte, filet de bœuf sauce au vin, profiteroles au chocolat chaud, plats envoyés par l’excellente Fabienne Eymard. Géré par Alain Ducasse, un conservatoire étoilé des plats du terroir dans un cadre 1900.
• 20 rue Saint-Martin 75004 Paris. Tél: 01 58 00 22 15. Menu à 39 euros. Carte de 60 à 100 euros. Pas de fermeture.
Au Bourguignon du Marais
Escargots à l’ail, bœuf bourguignon, poulet fermier au Marc de Bourgogne, crème brûlée et vins de Chablis, de Beaune, de Nuits bien choisis. À découvrir.
• 52 rue François Miron 75004 Paris. Tél: 01 48 87 15 40. Formules de 20 à 25 euros. Carte de 40 à 65 euros. Fermé dimanche et lundi.
Le Petit Verdot
Deux anciens de chez Joël Robuchon à Paris (l’Atelier Etoile), Vincent Chaudoreille et Guillaume Huteau envoient des assiettes bistrotières emballantes: pâté en croûte, escargots en ravioles, tartare de charolais, pied de cochon, os à moelle aux girolles, île flottante. Une ardoise quotidienne pour bons mangeurs
• 9 rue Fourcroy 75017 Paris. Tél: 01 42 27 47 42. Carte de 35 à 50 euros. Plein aux deux repas. Fermé samedi midi et dimanche.
Nicolas de Rabaudy
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